Les nuisances ou bruits, qu’ils se produisent de nuit comme de jour, peuvent être sanctionnés dès lors qu’ils troublent leur voisinage.

Si les tribunaux ont dans un premier temps cherché à « quantifier » les niveaux sonores admissibles (40 décibels ayant par exemple été considérés comme un « seuil de confort » par la Cour d’Appel de Paris dans une décision du 23 novembre 1993), c’est surtout, au-delà du « niveau sonore » mesuré, la notion d’ « anormalité » du trouble qui permet aux tribunaux de caractériser ou non l’existence d’un trouble anormal de voisinage.

Ainsi, «  il ne suffit pas qu’un embarras existe, encore faut-il qu’il soit dommageable ».

Cette caractérisation est soumise à l’appréciation des tribunaux, auxquels il appartient de déterminer si, de fait, le trouble est ou non caractérisé selon le cas précis qui leur est soumis.

Ce qui est ainsi admis dans certains lieux, ou à certaines occasions (Nouvel An, fête du 14 juillet), ne sera pas admis dans d’autres circonstances ou autre lieu. Un auteur considérait ainsi que “Le caractère excessif du préjudice doit s’apprécier compte tenu de toutes les circonstances du cas (…). Il est naturel que les voisins supportent mutuellement certains inconvénients inhérents à cette situation. Le tout est de trouver la norme de tolérance et, au-delà, le seuil de nuisance à partir duquel apparaît l’obligation de réparer”(G. Cornu, op. cit., n° 1104). (…) »

Doit donc être considéré comme un dommage « anormal : celui que les voisins n’ont pas l’habitude de subir dans telle région et à telle époque » (H. et L. Mazeaud et A. Tunc, Traité théorique et pratique de la responsabilité délictuelle et contractuelle, t. 1 : 1965, n° 600).

Ainsi et à titre d’exemple : la diffusion de musique par une clinique pour ses malades, au moyen de haut-parleurs dans le parc de dix heures à dix-huit heures trente les jours de beau temps, constitue un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage dans la mesure où cette musique est très perceptible par les voisins (CA Pau, 14 mai 1992). En revanche,  la musique émise par un transistor placé par le propriétaire absent pendant cinq jours pour décourager les voleurs et fonctionnant entre huit heures et vingt-et-une heures trente n’a pas été considéré comme une nuisance de nature à troubler la tranquillité du voisinage, le niveau sonore étant très raisonnable aux dires des voisins (CA Paris, 13e ch. B, 18 mai 1984).

Peut également traduire un trouble indemnisable la modification d’une situation pré-existante, et dès lors considérée comme « admise » par le voisinage. Ainsi a été considéré comme un trouble indemnisable le remplacement par des voisins situés à l’étage au-dessus d’une moquette et de matériaux insonorisés par un carrelage entraînant la perception de bruits de pas et chocs divers (CA Paris, 7e ch., 11 juill. 1986) ; alors que la perception de pas ou de voix ne caractérise aucune anormalité dans un immeuble d’habitation collectif à l’insonorisation imparfaite dès lors qu’il n’est pas démontré que le responsable allégué de ces troubles se livrerait à des activités bruyantes ou des nuisances spécifiques (CA Paris 20 Janvier 2016).

Enfin, les tribunaux tiennent également compte de la durée pendant laquelle sont subies les nuisances évoquées : ainsi, l’indemnisation des nuisances sonores provenant d’un télésiège situé à 30 mètres de l’immeuble du « plaignant » seront calculées en tenant compte du caractère saisonnier du trouble et seront sans commune mesure avec la réparation des troubles subis pendant 6 années du fait d’une installation de broyage-concassage. De la même manière, les bruits provoqués par une piscine depuis sa mise en service en 1998 jusqu’en 2004 (date de mise en place d’un dispositif d’atténuation) seront évalués « eu égard à la longueur de la période pendant laquelle les troubles anormaux du voisinage ont été constatés ». Des plantations de bambous peuvent également caractériser un tel trouble dès lors que, compte tenu de leur envahissement, elles obstruent la luminosité et risquent de provoquer des dégâts aux canalisations et fondations se trouvant à proximité (CA COLMAR 18 janvier 2016).

En résumé, les tribunaux prennent en compte les situations qui leur sont soumises de manière concrète et au vu de ce qui est « admissible ». En revanche, ils ne tiennent généralement pas compte de conditions liées à la situation personnelle de la « victime » des nuisances, estimant notamment qu’une hypersensibilité au bruit, ou des troubles psychosomatiques que les victimes estimaient liées au bruit ne caractérisaient pas un trouble du voisinage. Toutefois et dans ces hypothèses, c’est surtout la question du lien entre le bruit et la conséquence alléguée qui était mis en question.

Il est essentiel en toute hypothèse que la demande présentée soit justifiée au vu des exigences des tribunaux et des circonstances précises de chaque situation.

 

L’Equipe Droit Civil

Derby Avocats