La frontière entre sanction disciplinaire et simple document contenant des griefs est parfois mince : prudence dans la rédaction.

Un arrêt récent de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 12 novembre 2015 (n°14-17.615) nous rappelle à cette question au combien importante de savoir si un mail, courrier, document ou autre contenant des griefs constitue nécessairement une sanction disciplinaire.

Dans cet arrêt, une salariée à qui avait été adressé un compte rendu de l’entretien préalable auquel elle avait été convoquée a sollicité la requalification de son licenciement subséquent en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que les griefs contenus dans la lettre de licenciement avaient déjà été sanctionnés par la remise du compte rendu.

Ainsi la salariée considérait que le compte rendu de l’entretien préalable constituait une sanction disciplinaire de sorte que le pouvoir disciplinaire de son employeur s’agissant des griefs retenus était épuisé.

La Cour d’appel dont l’arrêt est confirmé par la Cour de cassation a rejeté cette argumentation en retenant que le compte rendu de l’entretien ne contenait aucune volonté de sanctionner le comportement de la salariée mais se contentait  tout au contraire d’énumérer les divers griefs et insuffisances qui lui étaient reprochés.

Il ressort de cet arrêt récent et de la jurisprudence de la Cour de Cassation que la distinction entre sanction disciplinaire et absence de sanction disciplinaire semble dépendre de l’existence ou non d’une injonction de la part de l’employeur de cesser le ou les agissements reprochés.

Ainsi et à titre d’exemples :

  • Le mail dans lequel l’employeur formule des manquements à des règles et procédures internes et invite impérativement le salarié à s’y conformer constitue un avertissement (Cass.soc. 09.04.2014 n°13-10.939) ;

 

  • En revanche, les courriers adressés au salarié pour lui demander de modifier son comportement ne constitueraient pas une sanction mais un simple rappel à l’ordre (Cass.soc. 14.09.2010 n°09-66.180).

Département droit social

Elise DELAUNAY


Les conseillers techniques sportifs et la loi du 27 novembre 2015

La Loi du 27 novembre 2015 est venue apporter une précision importante sur la situation des conseillers techniques sportifs intervenants auprès  des fédérations sportives.

Avant d'envisager les nouveautés découlant du récent dispositif législatif (2), il convient rapidement de rappeler l'état des textes et de la jurisprudence antérieure applicables aux conseillers techniques sportifs placés auprès des fédérations sportives (1).

 

  1. État du droit et jurisprudences

1.1 Les textes applicables

De longue date les fédérations sportives sont considérées comme chargées d’une mission de service public et ont vocation, chacune dans leur discipline, à mettre en place des actions visant à développer la pratique sportive.

C’est dans ce contexte, que depuis près de quarante ans, des fonctionnaires relevant principalement du Ministère des Sports et appartenant pour la plupart au corps des professeurs de sport, furent mis à disposition des fédérations sportives pour participer au développement de la pratique sportive.

Ces conseillers techniques sportifs ou « cadres techniques » furent ainsi affectés auprès des fédérations sportives ou de leurs organes déconcentrées, les ligues régionales et comités départementaux.

Les premières traces législatives de cette mise à disposition se trouvent à l’article 11 de la loi du 29 octobre 1975.

Ces dispositions furent reprises par l’article 16.4 de la loi du 16 juillet 1984.

« Les fédérations sportives peuvent recevoir un concours financier et en personnel de l'Etat conformément à l'article 44 de la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. »

L’article 44 de la Loi du 11 janvier 1984 dans sa rédaction applicable à l’époque disposait :

« Les organismes à caractère associatif et qui assurent des missions d'intérêt général, notamment les organismes de chasse ou de pêche, peuvent bénéficier, sur leur demande, pour l'exécution de ces missions, de la mise à disposition ou du détachement de fonctionnaires de l'Etat et des communes ou d'agents d'établissements publics.

Ces fonctionnaires et agents sont placés sous l'autorité directe du président élu des organismes auprès desquels ils sont détachés ou mis à disposition.

Les conditions et modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

 

Par la suite le décret du 28 décembre 2005 est venu préciser les modalités d’organisation et de gestion des conseillers techniques intervenant auprès des fédérations.

L’article 1er  du Décret faisait expressément référence à la Loi du 16 juillet 1984 et à son article 16 :

« Article 1

Les missions de conseillers techniques sportifs susceptibles d'être exercées auprès des fédérations sportives au titre du deuxième alinéa du V de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 susvisée sont celles de directeur technique national, d'entraîneur national, de conseiller technique national ou de conseiller technique régional.

Ces missions portent en priorité sur le développement des activités physiques et sportives, et en particulier sur la pratique sportive au sein des associations sportives ainsi que sur la détection de jeunes talents, le perfectionnement de l'élite et la formation des cadres, bénévoles et professionnels.

(…)

Les missions de conseiller technique national et de conseiller technique régional sont respectivement de mener, l'un au niveau national et l'autre au niveau territorial, des tâches d'observation et d'analyse, de conseil et d'expertise, d'encadrement de sportifs, de formation des cadres, d'organisation et de développement de l'activité sportive de la fédération intéressée.

Les personnels exerçant ces missions sont chargés de mettre en oeuvre la politique sportive définie par la fédération. Cette politique fait l'objet de contrats avec l'Etat dans le cadre de chaque convention d'objectifs prévue au deuxième alinéa du V de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 précitée.

Les personnels exerçant les missions de conseillers techniques sportifs restent soumis durant toute la durée de l'exercice de leurs missions, selon les cas, à l'autorité du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré. »

 

Suite à la codification intervenue en 2006 et portant création du Code du Sport, ces dispositions figuraient à l’article L 131-12 du Code du Sport qui prévoit :

« Des personnels de l'Etat ou des agents publics rémunérés par lui peuvent exercer auprès des fédérations agréées des missions de conseillers techniques sportifs, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. »

et aux articles R. 131-16 et suivants du même code qui disposent notamment :

« Article R 131-16

Les missions de conseillers techniques sportifs susceptibles d'être exercées auprès des fédérations sportives en application de l'article L. 131-12 sont celles de directeur technique national, d'entraîneur national, de conseiller technique national ou de conseiller technique régional.

(…)

Les personnels exerçant les missions précitées sont chargés de mettre en oeuvre la politique sportive définie par la fédération.

Cette politique fait l'objet d'une contractualisation entre la fédération et l'Etat dans le cadre de la convention d'objectifs mentionnée à l'article R. 411-1. Les personnels exerçant les missions de conseillers techniques sportifs restent soumis durant toute la durée de l'exercice de leurs missions, selon les cas, à l'autorité du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré.

Article R 131-20 :

Les personnels exerçant la mission de directeur technique national élaborent, en accord avec le président de la fédération intéressée, selon une périodicité pluriannuelle, des directives techniques nationales actualisées chaque année. Ils en informent le ministre chargé des sports puis les adressent aux entraîneurs nationaux, aux conseillers techniques nationaux et aux conseillers techniques régionaux.

Les relations fonctionnelles entre, d'une part, les agents exerçant des missions de conseillers techniques sportifs et, d'autre part, selon les cas, le président de la fédération, de la ligue régionale ou du comité régional intéressés sont précisées dans la convention-cadre prévue à l'article R. 131-23. Ces agents sont, selon les cas, notés ou évalués par le ministre chargé des sports, au vu d'éléments fournis notamment par la fédération dans des conditions précisées dans la convention-cadre.

Article R 131-21 :

L'agent qui exerce la mission de conseiller technique sportif perçoit une rémunération de l'Etat. Il est indemnisé par la fédération intéressée des frais et sujétions exposés dans l'exercice de sa mission.

Article R 131-22 :

Une lettre de mission annuelle ou pluriannuelle fixe, pour chaque agent exerçant une mission de conseiller technique sportif, le contenu détaillé des tâches qui lui sont confiées et ses modalités d'intervention. Elle fixe la durée de ces missions.

Elle est établie par le chef de service, après avis de l'agent intéressé, sur la base de propositions formulées par :

1° Le président de la fédération, pour les personnels exerçant une mission de directeur technique national ;

2° Le directeur technique national, pour les personnels exerçant une mission d'entraîneur national ou de conseiller technique national ;

3° Le directeur technique national après avis du président de ligue ou de comité régional, pour les personnels exerçant une mission de conseiller technique régional.

Article R 131-23 :

Une convention-cadre, signée par le ministre chargé des sports et par le président de la fédération, fixe, pour une période qui ne peut excéder quatre ans, le nombre d'agents susceptibles d'exercer leurs missions auprès de la fédération aux plans national et territorial et définit les modalités d'exercice de leurs interventions. Elle peut faire l'objet d'une actualisation chaque année.

Elle précise les conditions d'organisation et de prise en charge des actions de formation professionnelle de ces agents.

Cette convention-cadre est complétée par des conventions d'équipes techniques régionales signées par les directeurs régionaux de la jeunesse, des sports et des loisirs et les présidents de ligues ou comités régionaux, lorsque des personnels exercent des missions de conseillers techniques sportifs sous la responsabilité de ces directeurs régionaux. »

Il ressort de ces dispositions  législatives que le statut des conseillers techniques intervenant auprès des fédérations sportives reprend les grandes lignes du mécanisme de mise à disposition des fonctionnaires à savoir notamment :

-             maintien du fonctionnaire mis à disposition dans son corps d’origine qui continue de le rémunérer alors que le fonctionnaire accompli son travail pour le compte d’un organisme tiers

-             autorité disciplinaire conservée par l’administration d’origine

Pour autant le fait que terme de « mise à disposition » ne soit pas expressément employé par le législateur, et l’emploi du vocable « indemnité pour frais et sujétions » ont laissé plané le doute sur la situation des cadres d’Etat placés auprès des fédérations sportives, notamment dans les cas où leur intervention prenait fin de manière anticipée à la demande de l’organisme d’accueil, ou lorsque surgissait des différends concernant les sommes versées par lesdites structures d’accueil,  souvent de manière constante depuis de nombreuses années

C’est donc dans ce contexte que  les juridictions ont appliqué aux conseillers techniques sportifs la jurisprudence relative aux fonctionnaires mis à disposition, lorsqu’il s’est agi de savoir si ces conseillers techniques travaillant pour le compte des Fédérations, Ligues régionales ou districts départementaux se trouvaient liés – ou non –  à ces organismes d’accueil par un contrat de travail.

 

1.2. La jurisprudence

1.2.1 Concernant les fonctionnaires mis à disposition.

Il est jugé depuis un arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation du 20 Décembre 1996 que « le fonctionnaire mis à disposition dans un organisme de droit privé et qui accomplit un travail pour le compte de celui-ci dans un rapport de subordination se trouve lié à cet organisme par un contrat de travail » (AP 20 décembre 1996, 92-40641).

Le Tribunal des conflits a également considéré dans un arrêt du 10 mars  1997 que le litige opposant un fonctionnaire mis à disposition d’une association sans but lucratif relevait de la compétence du juge judiciaire :

«  Attendu que nonobstant le fait que Madame F. ait, dans la situation de mise à disposition, continué à dépendre de la Communauté urbaine de Strasbourg et à percevoir son traitement de fonctionnaire territoriale, le contrat qui l’unissait au centre européen de développement régional était un contrat de  droit privé. »

Dans des arrêts  plus récents la Cour de Cassation ne fait même plus référence à l’exigence d’un lien de subordination – dès lors que s’agissant de mise à disposition le pouvoir disciplinaire est conservé par l’administration – mais déduit du seul accomplissement d’un travail, l’existence d’un contrat de travail

En ce sens :

Soc 12 juin 2007  (n° 05-45285)

« Attendu que le fonctionnaire mis à disposition d’un organisme de droit privé et qui accomplit pour le compte de celui-ci un travail se trouve lié à cet organisme par un contrat de travail. »

Soc 17 juin 2009 (n° 08-42.683)

« Attendu, cependant, que le fonctionnaire mis à disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci est lié à cet organisme par un contrat de travail  »

Soc, 14 décembre 2011 (n°09-43150)

« Qu'en statuant ainsi, alors que l'agent statutaire mis à disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci et sous sa direction est lié à cet organisme par un contrat de travail, sans qu'il soit besoin de caractériser un lien de subordination ».

 

1.2.2 Concernant les conseillers techniques sportifs.

La jurisprudence susvisée fut régulièrement appliquée aux conseillers techniques sportifs :

Soc. 13 mars 2001, (n°  99-40154) :

Vu l'article L. 121-1 du Code du travail et l'article 11 de la loi n° 75-988 du 29 octobre 1975 relative au développement de l'éducation physique et du sport ;

Attendu que, selon le second de ces textes, les techniciens recrutés et rémunérés par le ministre chargé des Sports et mis à disposition des fédérations sportives sont chargés, sous la responsabilité et la direction de celles-ci, en particulier de promouvoir le sport à tous les niveaux, de préparer la sélection, d'entraîner les équipes nationales, de découvrir les espoirs et de former les entraîneurs ;

Attendu que, par convention passée le 28 septembre 1983 entre la direction départementale du temps libre Jeunesse et Sports de l'Aveyron et le district de football de l'Aveyron, M. Fraysse, conseiller technique départemental (depuis 1976), a été mis à la disposition de ce dernier ; que, par lettre du 29 septembre 1994, le président de l'Association District Aveyron football (ADAF) a avisé le directeur de la Jeunesse et des Sports de l'Aveyron de la décision de mettre fin à cette convention ; que, par courrier du même jour, il a porté à la connaissance de M. Fraysse cette décision ; que, s'estimant licencié, l'intéressé a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture d'un contrat de travail ;

Attendu que, pour débouter l'intéressé de ses demandes, la cour d'appel énonce que la convention de mise à disposition de M. Fraysse, agent de l'Etat, révèle que l'action de ce dernier s'exerçait sous la seule autorité hiérarchique du directeur départemental de la Jeunesse et des Sports de Rodez auquel il devait périodiquement rendre compte de son action, et ce alors qu'aucun élément produit par lui ne fait état de directives de l'ADAF auxquelles il aurait été soumis, que les attestations produites n'évoquent à aucun moment l'exercice par M. Fraysse d'une activité professionnelle distincte, en tant que salarié pour le compte de l'ADAF, de celle résultant de la convention de mise à disposition initiale, et qu'il apparaît qu'aucun lien de subordination n'existait entre l'ADAF et lui ;

Attendu, cependant, que le fonctionnaire mis à disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail est lié à cet organisme par un contrat de travail ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que si l'intéressé restait lié à son administration d'origine, son travail était effectué depuis 1983, dans le cadre de la loi du 29 octobre 1975, pour le compte de l'association, qui a d'ailleurs pris l'initiative de mettre fin à la mise à disposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Encore récemment, et postérieurement à la création du Code du sport et la publication du Décret de 2005 précisant le cadre d’intervention des conseillers techniques sportifs auprès des fédérations, la Cour de Cassation a maintenu sa position :

Soc 5 février 2015 n°13-21634 :

« Attendu, d’abord, que le fonctionnaire mis à disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail est lié à cet organisme par un contrat de travail ;

Attendu, ensuite, qu’il résulte des articles L. 131-12 et R. 131-16 du code du sport que les techniciens recrutés et rémunérés par le ministre chargé des sports et mis à disposition des fédérations sportives sont chargés, sous la responsabilité et la direction de celles-ci, en particulier de promouvoir le sport à tous les niveaux, de préparer la sélection, d'entraîner les équipes nationales, de découvrir les espoirs et de former les entraîneurs

Et attendu que la cour d’appel, qui a constaté que le conseiller technique régional avait été mis à disposition de la Ligue atlantique de football et qu’il avait pour mission de mettre en oeuvre la politique sportive définie par l’organisme  bénéficiaire de la mise à disposition, a exactement décidé que les parties étaient liées par un contrat de travail »

Dans cette affaire un conseiller technique sportif , exerçant depuis de nombreuses années au sein d'une ligue régionale de football, avait vu les sommes versées par l'organisme d'accueil dans le cadre de ses fonctions (en plus de son traitement de fonctionnaire) soudain réduites unilatéralement au prétexte qu'un autre conseiller technique avait été mis à  disposition de la ligue et que les missions confiées étaient réduites d'autant. Le conseiller technique en cause avait finalement pris acte de la rupture de son contrat au tort de l'employeur (la ligue) en soutenant que cette réduction unilatérale de sa rémunération n'était pas possible sans son accord.

Condamnée en appel la Ligue formait un pourvoi qui soutenait pour l’essentiel que la notion de "placement" devait différer de la notion de "mise à  disposition" habituellement appliquée à d'autres fonctionnaires intervenant auprès d'associations de droit privé ou encore que la notion de "frais et sujétion" employée par le Code du sport différait de celle de "rémunération" qui seule pouvait caractériser l'existence d'un contrat de travail.

Or, dans son arrêt du 5 février 2015, la Cour de cassation emploie de manière claire et non équivoque le terme de "mise à disposition" pour caractériser la situation des cadres techniques intervenant auprès des fédérations, et permet d’induire qu’il ne saurait exister de différence de traitement jurisprudentiel avec les autres types de mises  à disposition, et ce nonobstant l'absence de références expresses à la mise à disposition au sein du Code du sport.

Cette décision ne fut pas sans provoquer une certaine émotion au sein des fédérations sportives car elle était susceptible d’impliquer diverse conséquences lors de la rupture des relations contractuelles (versement d’indemnité de licenciement, préavis…) ; et ce même si d’autres décisions pouvaient juger pour ce qui touche au fonctionnement quotidien au sein de la structure d’accueil que l’identité de régime juridique avec les autres salariés n’était pas toujours de mise (TI Versailles 17 novembre 2015, jugeant que les conseillers techniques sportifs d’Etat ne faisaient pas partie de l’effectif devant être pris en compte lors de l’organisation des élections professionnelles).

La question de la situation des conseillers techniques sportifs fut donc intégrée dans les travaux de la mission KARAQUILLO qui devait déboucher sur la loi du 27 novembre 2015.

         2. Les nouveaux textes : apport et questions en suspens

L’article L.131-12 du Code du sport tel qu’issu de l’article 23 de la Loi n°2015-1541 du 27 novembre 2015  est désormais ainsi rédigé :

"Des personnels de l'Etat ou des agents publics rémunérés par lui peuvent exercer auprès des fédérations agréées des missions de conseillers techniques sportifs, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Les fédérations peuvent, au titre de ces missions, leur verser des indemnités, dans des limites et conditions fixées par décret.

Pendant la durée de leurs missions, les conseillers techniques sportifs restent placés, selon les cas, sous l'autorité hiérarchique exclusive du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré dont ils relèvent. Ils ne peuvent être regardés, dans l'accomplissement de leurs missions, comme liés à la fédération par un lien de subordination caractéristique du contrat de travail au sens du livre II de la première partie du code du travail.

Pour l'exercice de leurs missions et par dérogation à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, lorsqu'ils ont la qualité de fonctionnaires, ces agents, lorsqu'ils exercent les missions de directeur technique national, de directeur technique national adjoint ou d'entraîneur national, peuvent être détachés sur contrat de droit public, dans les emplois correspondants, dans les conditions et selon les modalités fixées par le décret prévu au premier alinéa du présent article.

A l'instar de ce qui avait été prévu pour les arbitres et juges sportifs (article L. 223-3 du code du sport) l'absence de lien de subordination et donc de contrat de travail, se trouve désormais décidée par détermination de la loi.

Ces nouvelles dispositions législatives ont l'avantage de clarifier la situation des cadres d'Etat mis à disposition des fédérations sportives et de leurs organes déconcentrés, et vont clairement contre l’analyse jurisprudentielle qu’avait fait la Cour de Cassation de la situation de ces conseillers sportifs au sein des structures d’accueil.

Par  ailleurs un décret du 31 décembre 2015 n°2015-1920 est venu préciser : « Une indemnité spéciale peut être attribuée aux agents publics exerçant auprès des fédérations sportives les fonctions de conseiller technique sportif en qualité de directeur technique national ou d'entraîneur national, dans les conditions fixées par le présent décret. Lorsque les fonctions correspondantes sont assorties d'un niveau élevé de responsabilités, l'indemnité spéciale peut aussi être versée à certains agents publics exerçant les fonctions de conseiller technique sportif en qualité de conseiller technique national. Un arrêté des ministres chargés de la fonction publique, du budget et des sports fixe le nombre des conseillers techniques sportifs susceptibles de bénéficier de l'indemnité spéciale. Un arrêté du ministre chargé des sports fixe la liste des conseillers techniques sportifs susceptibles de bénéficier de l'indemnité spéciale » (article 1) et que « le montant de l'indemnité prévue à l'article 1er du présent décret est compris entre 80 et 120 % d'un montant de référence annuel brut fixé par arrêté conjoint du ministre chargé du budget, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé des sports. » (article 2)

La notice du décret précise : « le décret institue une indemnité spéciale pour les agents publics exerçant auprès des fédérations sportives des fonctions de conseiller technique sportif, en qualité de directeur technique national, d'entraîneur national ou de conseiller technique national. Cette indemnité est destinée à se substituer aux actuels compléments de rémunération versés à ces agents par les fédérations sur leur subvention. »

Les arrêtés pris pour application du décret précisent :

  1. Que le montant de référence annuel de l'indemnité spéciale des conseillers techniques sportifs est fixé, en application de l'article 2 du décret du 30 décembre 2015 susvisé, comme suit : Directeur technique national 8 500 €, Entraîneur national 5 200 €, Conseiller technique national 1 040 €
  1. Que le nombre maximum de conseillers techniques sportifs susceptibles de bénéficier de l'indemnité spéciale instituée par le décret du 30 décembre 2015 susvisé est fixé comme suit : Directeur technique national , 71 ; Entraîneur national , 345 ; Conseiller technique national, 200

Cependant toutes les questions posées par la situation spécifique des conseillers techniques sportifs intervenant au sein du mouvement sportif ne sont pas pour autant résolues

En effet si la question du lien juridique unissant les conseillers techniques sportifs à leur organisme d'accueil apparaît désormais réglée par le législateur à travers l'exclusion du lien de salariat, et qu’une indemnité spéciale au profit de certains conseillers sportifs est créée, ces nouvelles dispositions législatives ne semblent pas interdire aux fédérations d’aller au-delà de cette indemnité spéciale, et de continuer de verser sur leur fonds propres, comme elles le font fréquemment, des indemnités complémentaires aux cadres techniques d'Etat mis à leur disposition, indemnités qui en pratique excèdent souvent l’indemnité spéciale visée au décret, et qui sont versées y compris au niveau régional (l’indemnité spéciale semblant être réservée au conseiller technique national).

En premier lieu il convient de rappeler historiquement que ces compléments de rémunération avaient  été  créés pour compenser l'engagement des cadres techniques — du fait  de l'indépendance attachée à leurs missions au sein des fédérations — de s'abstenir d'entraîner des  équipes au sein de clubs.

Or, d'autres professeurs de sport,  continuant à  exercer au sein de leur corps d'origine, ont la possibilité, sans difficulté particulière, de continuer à  entraîner dans leur spécialité  des équipes au sein d'associations  sportives, et de percevoir à cette occasion une rémunération qui s'ajoute à leur traitement de fonctionnaires.

Ces sommes complémentaires versées par les fédérations sportives permettaient ainsi d'inciter les meilleurs techniciens et pédagogues à  s'investir dans les missions de service public attachées aux fédérations (formation, détection, développement de la pratique, encadrement des sélections régionales et nationales).

En second lieu, les sommes versées compensent souvent des longues périodes de stage accomplies, y compris les week-ends et jours fériés, à l'occasion de formation de cadres ou d'encadrement de sélections lors de détections, compétitions nationales ou internationales.

Plusieurs questions restent dès lors en suspens.

En effet dès lors que la protection afférente au contrat de travail ne semble plus être possible du fait de la détermination de la loi, les fédérations sportives, Ligues ou districts pourront-ils de manière unilatérale supprimer ou réduire les indemnités versées ?

Dans ce cas les conseillers sportifs mis à disposition ne bénéficieraient plus d'aucune protection en cas de différend avec les responsables de leur organisme d'accueil.

La question est d’importance car ces compléments de rémunération constituent souvent une part importante de la rémunération des conseillers sportifs et l’une des raisons de leur engagement au sein d’une fédération sportive, alors que dans de nombreux cas d’autres structures professionnelles (clubs ou structures privées) leurs offriraient des conditions plus avantageuses.

De la même manière quel sera le traitement fiscal et social des indemnités versées, hors l’indemnité spéciale laquelle relève du traitement versé au fonctionnaire par l’Etat? Les fédérations ligues régionales ou districts doivent- ils cotiser sur les sommes versées, et si oui pour quels risques ?

A ce jour la situation observée au sein des centres de gestion est extrêmement variée, certains établissant pour ces compléments de rémunération des bulletins de paie soumis à des cotisations sociales identiques à celles des autres salariés de l’organisme d’accueil (régime général sécurité sociale), d’autres ne cotisant que pour certains risques (au regard du statut de fonctionnaires des bénéficiaires de la rémunération).

Une piste de réflexion pourrait être  la situation des arbitres dont le législateur a prévu que les indemnités versées à ceux-ci par les fédérations seraient soumises à cotisations sociales sur la base du régime général de la sécurité sociale, et ce malgré le fait que les arbitres ne puisse être considérés dans l’exercice de leur activité comme liés par un lien de subordination avec les fédérations sportives (article L 311-3, 29° du Code du sport)

 

Département Droit du Sport

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