Barème Macron et droit à indemnisation adéquate du salarié licencié

Les dispositions issues de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 instituant un barème relatif aux dommages et intérêts alloués en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse continuent de susciter une jurisprudence foisonnante, dont la cohérence n’est pas toujours facile à établir.

Tour d'horizon des décisions déjà rendues

Ces  dispositions ont été jugées conformes à la constitution (Cons. Const., n°2018-761 DC du 21 mars 2018), et suivant avis  n°15013 du 17 juillet 2019 la Cour de cassation a considéré que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont « compatibles » avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail.

Pour autant de nombreuses Cours d’appel continuent de considérer, sur le fondement de l’article 10 de la convention 158 de l’OIT, qu’il convient en tout état de cause de vérifier si le salarié dont le licenciement est jugé abusif a perçu une indemnisation adéquate ou une réparation appropriée, et que les dispositions ayant instauré le plafond de l’article 1235-3 ne portent pas une atteinte excessive à ce droit (CA Reims 25 septembre 2019 n° 19/00003 ; CA Paris 18 septembre 2019 n° 17/06676 ; CA Caen 7 mai 2020 RG : 19/00920).

Pour  sa part la cour d’appel de Paris avait semblé adopter une position plus restrictive dans une décision du 30 octobre 2019 estimant que le barème permettrait de garantir au salarié “une indemnité adéquate ou une réparation appropriée” puisque « le juge français dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise, garde une marge d’appréciation » (CA Paris, 30 octobre 2019 pôle 6 chambre 8).

L’expression « dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés «  laissant penser que la « marge d’appréciation » des juges français pour parvenir à la réparation adéquate, devait nécessairement s’exercer à l’intérieur des plafonds minimaux et maximaux fixés par les ordonnances Macron.

Or une autre chambre de la cour d’appel de Paris (Pôle 6 - chambre 11) vient d’adopter une position beaucoup plus souple et ouverte quant à l’indemnisation du salarié ( CA Paris 16 mars 2021, n° 19/08721)

Il a ainsi été jugé que :

« Compte tenu de la situation concrète et particulière de MmeX, âgée de 53 ans à la date de la rupture et de 56 ans à ce jour, le montant prévu par l’article L. 1235-3 ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

En conséquence, il y a lieu d’écarter l’application du barème résultant de l’article L. 1235-3 du code du travail. »

La réparation adéquate ne s’exerce donc désormais plus à l’intérieur des barèmes de l’article L 1235–3 du code du travail, et ceux-ci peuvent être écartés sil est constaté qu’ils ne permettent pas de parvenir à cette réparation adéquate du préjudice subi. 

Reste à connaître la position de la Cour de cassation sur cette question.

L’alternative  apparaît désormais la suivante, sauf à considérer que l’appréciation de la réparation adéquate et appropriée relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ,non contrôlé au stade de la cassation...ce qui aurait l’inconvénient de faire perdurer l’incertitude jurisprudentielle:

  • Soit considérer que la recherche de l’indemnisation adéquate et appropriée prévue par l’article 10 de la convention 158 de l’OIT doit nécessairement s’ effectuer dans les limites des plafonds fixées par l’article 1235-3 du code du travail, et qu’en jugeant le contraire dans sa récente décision de la cour d’appel de Paris a commis une erreur de droit
  • Soit au contraire estimer que la Cour d’Appel a pu  légitimement écarter l’application de l’article 1235–3 du code du travail après avoir constaté qu’il ne permettait pas d’allouer au salarié la réparation adéquate et appropriée prévue à l’article 10 de la convention 158 de l’OIT.

Dans cette dernière hypothèse les juridictions conserveraient leur pouvoir d’appréciation au cas par cas.

L’expression « compatible » employée dans l’avis du 17 juillet 2019 pouvant alors s’ interpréter comme suit :

  • L’application par le juge français des barèmes issus de l’article L 1235-3 du code du travail ne porte pas nécessairement atteinte à l’objectif de réparation adéquate fixé par l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT
  • Pour autant si une telle atteinte à l’objectif de réparation adéquate était constatée par une juridiction, elle dispose alors de la possibilité d’écarter l’application des dispositions de l’article L 1235–3 du code du travail

Les deux textes ne s’excluant pas mais se complétant.


Nomenclature des postes de préjudices

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Préjudices patrimoniaux

a) Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Dépenses de santé actuelles (D.S.A.)
- Frais divers (F.D.)
- Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.)

b) Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)
- Dépenses de santé futures (D.S.F.)
- Frais de logement adapté (F.L.A.)
- Frais de véhicule adapté (F.V.A.)
- Assistance par tierce personne (A.T.P.)
- Pertes de gains professionnels futurs (P.G.P.F.)
- Incidence professionnelle (I.P.)
- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation (P.S.U.)

Préjudices extra-patrimoniaux

a) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.)
- Souffrances endurées (S.E.)
- Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.)

b) Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)
- Déficit fonctionnel permanent (D.F.P.)
- Préjudice d’agrément (P.A.)
- Préjudice esthétique permanent (P.E.P.)
- Préjudice sexuel (P.S.)
- Préjudice d’établissement (P.E.)
- Préjudices permanents exceptionnels (P.P.E.)

c) Préjudices extra-patrimoniaux évolutifs (hors consolidation)
- Préjudices liés à des pathologies évolutives (P.EV.)


SITE E-COMMERCE : CONCURRENCE REGLEMENTEE ET DISTRIBUTION SECURISEE

Article e-commerce de Maître Julie GRINGORE paru au Journal du Management juridique février 2021

Si acheter en ligne était déjà une pratique courante pour 40 millions de français en 2019, la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid a amené les enseignes à créer ou développer plus encore leurs sites Internet dans une optique marchande ; en effet les statistiques publiées par la FEVAD le 8 décembre 2020 faisaient état, pour les trois premiers trimestres, « d’une augmentation du canal web des magasins 3 fois plus importante que pour la même période en 2019 ».

L’urgence dans laquelle de nombreux sites marchands sont ainsi apparus en quelques mois ne doit toutefois pas faire oublier que le droit de la concurrence est tout autant applicable à la sphère numérique qu’aux ventes en magasin et que la distribution dématérialisée se doit d’être sécurisée pour inspirer suffisamment confiance aux acheteurs.

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p22 Journal du Management Juridique 80

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