Indemnisation en cas de contrefaçon : les options pour la victime (Crim. 27 fév. 2018, n° 16-86881)

Deux principales options s'offrent à la victime de contrefaçon pour agir en justice d'une part, et voir son préjudice indemnisé d'autre part, sur le fondement du Code de la Propriété Intellectuelle (en matière de marques, dessins et modèles, brevets, et droits d'auteur notamment).

En premier lieu, le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle peut faire le choix d'une action civile ou d'une action pénale, lesquelles présentent respectivement les principaux avantages suivants :
- l'action civile, plus usuellement engagée entre concurrents, présente l'avantage d'être traitée par quelques Tribunaux de Grande Instance très spécialisés (uniquement le TGI de Paris pour les brevets, outre 8 autres TGI également pour les marques, dessins et modèles, et droits d'auteur) ; les condamnations pécuniaires peuvent y être plus importantes qu'au pénal, et les délais de traitement (relativement) plus courts ;
- l'action pénale, plus usuellement utilisée contre les réseaux « délinquants », présente l'avantage dissuasif des sanctions pénales (outre l'indemnisation de la victime), et la possibilité de s'appuyer sur les pouvoirs d'investigation publics.

Statistiquement l'action civile demeure plus utilisée par les titulaires de droits de propriété intellectuelle, seuls environ 25 % du contentieux de contrefaçon étant engagés au pénal ; la présente décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 27 février 2018 en est un intéressant exemple en matière de droit pénal d'auteur.

En second lieu depuis la Loi 2007-1544 du 29 octobre 2007, les victimes des actes de contrefaçon ont le choix, pour évaluer le montant du préjudice subi, entre :
- soit tenir compte d'un ensemble de données chiffrées, mais qu'il n'est pas toujours aisé de réunir, telles que :
« 1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits » ;
- soit, à titre d'alternative, déterminer une somme forfaitaire, qui sera « supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte », étant précisé que « cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».

L'arrêt susvisé du 27 février 2018 présente l'intérêt de rappeler que cette seconde option « forfaitaire » ne peut être mise en œuvre qu'à la demande de la victime, et non pas à la seule initiative de la juridiction ; ainsi la Cour d'appel qui « n’était pas saisie par la partie lésée d’une demande d’indemnisation forfaitaire... n’a pas justifié sa décision » sur ce point, selon la Cour de cassation.

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Les titulaires de droits de propriété intellectuelle disposent donc stratégiquement de nombreuses options en fonction des éléments factuels et économiques de leurs dossiers, et demeurent ainsi seuls « maîtres » de leur mise en œuvre, sans que les juridictions ne puissent leur imposer ni une voix particulière d'action en amont (civile ou pénale), ni un mode indemnitaire déterminé en aval (comptable ou forfaitaire).

Julie Gringore

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036697003&fastReqId=1980900064&fastPos=1


La procédure d’auto-saisine de l’Agence Française de Lutte contre le Dopage sanctionnée par le Conseil Constitutionnel.

Le 2 février 2018, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision attendue.

Le 6 novembre 2017, le Conseil d’Etat avait transmis au Conseil Constitutionnel un Question Prioritaire de Constitutionnalité dans les conditions prévues par l’article 61-1 de la Constitution de 1958, visant à savoir si les prérogatives de l'AFLD lui permettant de se saisir d'office d'une décision fédérale en matière de lutte anti-dopage qu'elle envisage de réformer et de statuer ensuite sur le cas dont elle s'était auto-saisie est conforme au principe de séparation des fonctions de poursuite et de jugement.

En effet, il convient de rappeler que le principe qu’il découle de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Hommes et du Citoyen un principe d’indépendance et d’impartialité qui doit guider le rendu de la justice.

L’Agence Française de Lutte contre le Dopage, en tant qu’autorité administrative indépendante disposant d’un pouvoir disciplinaire qui peut la conduire à suspendre un sportif et le condamner pécuniairement, est soumise à ce principe.

Après avoir rappelé que l’article L.232-22 du Code du Sport permet à l’AFLD « réformer les décisions prises en application de l'article L. 232-21 [décision disciplinaire prise par une Fédération sportive]. Dans ces cas, l'agence se saisit, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet, des décisions prises par les fédérations agréées », le Conseil juge la faculté de cette autorité administrative de s’auto-saisir d’un dossier et de le juger ensuite contrevient au principe constitutionnel précitée.

Cependant, pour éviter des conséquences qu’il estime excessive, le Conseil Constitutionnel repousse au 1er septembre 2018 les effets de cette inconstitutionnalité, permettant ainsi au législateur de faire évoluer la législation et les procédures de saisine de l’AFLD pour les rendre conforme à la Constitution.

Il convient désormais de s’interroger sur les effets d’une telle décision sur les dispositions règlementaires des Fédérations qui permettent souvent à ses instances dirigeantes de solliciter une enquête et un contrôle anti-dopage, alors même que cette même Fédération aura ensuite la charge d’instruire puis de juger les résultats dudit contrôle.

Le lien vers la décision :

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2018/2017-688-qpc/decision-n-2017-688-qpc-du-2-fevrier-2018.150646.html

L’Equipe Droit du Sport

Derby Avocats