Deux principales options s’offrent à la victime de contrefaçon pour agir en justice d’une part, et voir son préjudice indemnisé d’autre part, sur le fondement du Code de la Propriété Intellectuelle (en matière de marques, dessins et modèles, brevets, et droits d’auteur notamment).

En premier lieu, le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle peut faire le choix d’une action civile ou d’une action pénale, lesquelles présentent respectivement les principaux avantages suivants :
– l’action civile, plus usuellement engagée entre concurrents, présente l’avantage d’être traitée par quelques Tribunaux de Grande Instance très spécialisés (uniquement le TGI de Paris pour les brevets, outre 8 autres TGI également pour les marques, dessins et modèles, et droits d’auteur) ; les condamnations pécuniaires peuvent y être plus importantes qu’au pénal, et les délais de traitement (relativement) plus courts ;
– l’action pénale, plus usuellement utilisée contre les réseaux « délinquants », présente l’avantage dissuasif des sanctions pénales (outre l’indemnisation de la victime), et la possibilité de s’appuyer sur les pouvoirs d’investigation publics.

Statistiquement l’action civile demeure plus utilisée par les titulaires de droits de propriété intellectuelle, seuls environ 25 % du contentieux de contrefaçon étant engagés au pénal ; la présente décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 27 février 2018 en est un intéressant exemple en matière de droit pénal d’auteur.

En second lieu depuis la Loi 2007-1544 du 29 octobre 2007, les victimes des actes de contrefaçon ont le choix, pour évaluer le montant du préjudice subi, entre :
– soit tenir compte d’un ensemble de données chiffrées, mais qu’il n’est pas toujours aisé de réunir, telles que :
« 1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits » ;
– soit, à titre d’alternative, déterminer une somme forfaitaire, qui sera « supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte », étant précisé que « cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».

L’arrêt susvisé du 27 février 2018 présente l’intérêt de rappeler que cette seconde option « forfaitaire » ne peut être mise en œuvre qu’à la demande de la victime, et non pas à la seule initiative de la juridiction ; ainsi la Cour d’appel qui « n’était pas saisie par la partie lésée d’une demande d’indemnisation forfaitaire… n’a pas justifié sa décision » sur ce point, selon la Cour de cassation.

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Les titulaires de droits de propriété intellectuelle disposent donc stratégiquement de nombreuses options en fonction des éléments factuels et économiques de leurs dossiers, et demeurent ainsi seuls « maîtres » de leur mise en œuvre, sans que les juridictions ne puissent leur imposer ni une voix particulière d’action en amont (civile ou pénale), ni un mode indemnitaire déterminé en aval (comptable ou forfaitaire).

Julie Gringore

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036697003&fastReqId=1980900064&fastPos=1