Me PALAO s'exprime sur le dossier "Opi-Omi" et la chute du peloton lors du Tour de France 2020

Maître Romuald PALAO représentait les parties civiles (associations représentant les cyclistes professionnels) dans le procès dit "Opi-Omi" qui s'est déroulé le 14 octobre 2021 devant le Tribunal Correctionnel de Brest.


Le défaut d’homologation du contrat de travail dû à une carence du club ne peut être opposé au joueur

L’homologation du contrat de travail du sportif constitue souvent un enjeu majeur dans les litiges entre un joueur ou un entraineur et son club employeur.

La Cour de Cassation vient de rappeler un principe essentiel et protecteur du salarié : le défaut d’homologation qui résulte d’une carence de l’employeur ne peut être opposé au joueur salarié (Cass. Soc. 8 avril 2021 n° 18-25645).

L’enjeu de ce litige, opposant joueur de football à un club au demeurant placé en liquidation judiciaire, réside dans la reconnaissance de la validité d’un avenant à son contrat fédéral prévoyant une augmentation de sa rémunération.

Les principes en matière d’effets de la non homologation

Les effets de l’homologation du contrat de travail peuvent être différents selon les sports voire selon le championnat dans lequel évolue le sportif.

Il faut admettre qu’il peut être parfois difficile de s’y retrouver.

Rappelons à ce titre que le Code du Sport prévoit que la Fédération ou la Ligue professionnelle, lorsqu’elle existe, peut édicter une procédure d’homologation, fixer ses modalités et en prévoir les conséquences mais uniquement sur le plan sportif (qualification, autorisation de prendre part à la compétition).

Sur le plan du droit du travail, la loi renvoie aux accords collectifs nationaux le soin d’en fixer les effets.

La convention collective nationale du sport (accord de branche étendu) précise qu’un accord sectoriel peut fixer ces effets, et qu’à défaut, l’absence d’homologation n’emporte aucun effet sur la validité du contrat au sens du droit du travail.

Ensuite, selon les accords sectoriels existants, les effets sont différents. Certains hissent l’homologation comme condition suspensive de l’entrée en vigueur du contrat. D’autres font de la non-homologation une cause de nullité.

D’autres encore, comme la très récente convention collective du handball féminin, prévoit que le défaut d’homologation n’emporte aucune conséquence sur la validité du contrat. C’est évidemment le processus le plus protecteur du salarié.

Désormais lorsqu’un accord sectoriel donne un effet particulier à la non-homologation, on ne saurait que conseiller au salarié qui souhaiterait voir reconnaitre la validité de son contrat de contester en premier lieu l’acte administratif de refus d’homologation avant d’envisager de se retourner contre son employeur. C’est d’ailleurs en ce sens que s’oriente la jurisprudence (Cass. Soc. 14 septembre 2016 n°15-21.794).

 

Les carences du club, tempérament de ces effets

Fort heureusement, la jurisprudence est venue tempérer les effets du défaut d’homologation.

Tout d’abord, lorsque l’homologation est une condition suspensive de l’entrée en vigueur du contrat de travail, c’est sans surprise que les juridictions admettent que le début d’exécution du contrat anéantit la possibilité pour le débiteur de l’obligation de se prévaloir de cette condition.

Il s’agit là d’une stricte application du régime juridique de la condition suspensive au milieu sportif (Cass. Soc, 1er Juillet 2009, n°08-40023 ; CA Nimes 28 février 2017 n°15/00866).

Mais également, et peu importe l’effet qui lui est donné, il est jugé que le club employeur qui manque à ses obligations, et notamment à celle de transmettre le contrat pour homologation, ne peut ensuite se prévaloir du défaut d’homologation pour refuser d’exécuter ses engagements contractuels.

En effet en pratique, l’homologation des contrats dépend souvent d’une procédure prévoyant la transmission par le club à l’instance fédérale, parfois via des plateformes informatiques (footclubs, e-drop etc…).

Il serait inéquitable que le joueur ou l’entraineur subisse les conséquences d’un manquement du club.

C’est précisément ce qu’a rappelé la Cour de Cassation dans sa décision du 8 avril 2021.

Est ainsi cassé l’arrêt de la Cour d’Appel de Nîmes qui avait retenu à tort que l’avenant qui prévoyait une augmentation de salaire est entaché de nullité du fait du défaut d’homologation alors même que le club n’avait pas transmis cet avenant à la Fédération.

Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude… Ce vieil adage trouve toujours à s’appliquer !

 

L'équipe droit du sport

Derby Avocats


La requalification à temps plein du contrat de travail d’un sportif employé en temps partiel modulé

CA Grenoble 25 juin 2019 n°17/04508

☞ Ce qu’il faut retenir:

Le contrat de travail à temps partiel d’un joueur de rugby doit être requalifié à temps plein dès lors que l’employeur ne démontre pas que le salarié pouvait prévoir son rythme de travail, quand bien même un accord sectoriel prévoit la possibilité de moduler le temps de travail des sportifs concernés.

 Pour approfondir

Un joueur de rugby a conclu un contrat de travail à durée déterminée avec un club évoluant en Fédérale 1 (troisième division nationale).

Le contrat était conclu à temps partiel à hauteur de 117 heures de travail par mois.

Son contrat a été rompu avant son terme en raison de la liquidation judiciaire du club.

Le joueur saisissait le Conseil de Prud’hommes estimant que son contrat de travail devait être requalifié à temps plein. Il sollicitait en conséquence un rappel de salaire sur la base d’un temps plein, ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail sur la base de son salaire réévalué.

Il se fondait notamment sur le fait que son contrat de travail ne prévoyait pas la répartition de son temps de travail sur les jours de la semaine, ce qui induisait la présomption d’un temps plein reconnue classiquement par la jurisprudence en cas de manquement au formalisme du contrat de travail à temps partiel.

Le mandataire judiciaire et l’AGS-CGEA  faisaient pour leur part référence au statut du joueur de rugby de Fédérale 1, accord sectoriel applicable, qui prévoyait la possibilité de moduler le temps de travail des joueurs, y compris pour ceux ayant conclu un contrat de travail à temps partiel, compte tenu de la spécificité du temps de travail des sportifs professionnels lequel doit s’adapter à la saisonnalité sportive.

Le Conseil de Prud’hommes a suivi cette argumentation et débouté intégralement le salarié.

Pour sa part la Cour d’Appel de Grenoble infirme cette décision et fait droit à l’intégralité des prétentions du joueur.

Après avoir rappelé les règles en matière de formalisme du contrat de travail à temps partiel, prévues par la Loi et reprises par la Convention Collective Nationale du Sport (accord collectif de branche étendu), la Cour retient que la modulation du temps de travail prévue par l’accord sectoriel ne décharge pas l’employeur d’apporter la preuve qu’il a informé le salarié de la répartition de son temps de travail.

Et ce d’autant plus que le Statut du Joueur de Fédérale 1 prévoit que si le club employeur souhaite recourir à la modulation du temps de travail, celui-ci doit transmettre au salarié en début de saison sportive un programme indicatif annuel.

Cette obligation est rarement respectée par les clubs et cet arrêt est l’occasion de rappeler que les risques encourus faute de respect de ce formalisme.

En matière sportive les requalifications de contrat à temps partiel en temps plein sont fréquentes, et la Cour de Cassation au surplus jugé, concernant un autre joueur de rugby, que la présomption de temps plein ne pouvait être renversée par la seule constatation que le joueur exerçait une autre activité professionnelle parallèle (Soc. 9 juillet 2014 n°13-16427).

Toujours en matière sportive, il a pu être jugé que les attestations d’autres joueurs sont insuffisantes à rapporter la preuve de la connaissance personnelle par un salarié de son propre emploi du temps (CA Toulouse, 27-01-2017, n° 14/02316).

De manière générale, l’activité sportive occasionne des changements d’horaires de travail fréquents en fonction des périodes de la saison sportive et du calendrier sportif (stages, période de préparation de pré-saison, période de récupération, match à domicile, match à l’extérieur etc…), mais aussi des résultats sportifs de l’équipe qui peuvent avoir pour conséquence des modifications des plannings d’entrainement.

La vigilance doit donc être de mise pour les employeurs du secteur sportif quant à la transmission de plannings écrits respectant les délais de prévenance légaux ou conventionnels, afin de permettre aux sportifs d’organiser librement leur vie personnelle pour les périodes ne correspondant pas à du temps de travail contractuel.

A noter enfin que certaines dispositions de la Convention Collective Nationale du Sport prévoyant un régime d’équivalence pour le décompte des heures de travail de nuit en cas de surveillances nocturnes ou d’accompagnements d’équipes lors de déplacements (article 5.3.5.4) doivent être maniées avec grande précaution (En ce sens Soc. 10 avril 2019 n°17-28590 refusant d’appliquer ce régime d’équivalence faute de publication en matière sportive du décret prévu par l’article L. 3121- 9 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la Loi du 8 août 2016)

A rapprocher :  articles L3123-14 du Code du travail ; statut du joueur de Fédérale 1

L'Equipe Droit du Sport

Derby Avocats


Interview de Me Samuel CHEVRET dans Les Echos sur l'affaire Sala

https://business.lesechos.fr/directions-juridiques/droit-des-affaires/contrats-et-clauses/0600809788443-paiement-du-transfert-de-sala-quel-recours-devant-la-fifa-327431.php


Assiette forfaitaire et franchise de cotisations URSSAF : Quels points de vigilance pour les clubs sportifs?

Civ. II 20 décembre 2018 n°17-26921

☞ Ce qu’il faut retenir:

Il n’est pas possible pour une association sportive gérant le centre de formation d’un club sportif professionnel, d’appliquer le mécanisme de l’assiette forfaitaire de cotisations de Sécurité Sociale prévu par l’arrêté  du 27 juillet 1994 aux sommes versées pour les mineurs de moins de 16 ans, accueillis au sein du club dans le cadre d’une convention de préformation.

 Pour approfondir

A l’occasion d’un vaste contrôle national des clubs de football professionnels mené par l’URSSAF, l’association Football Club des Girondins de Bordeaux s’est vue notifier un rappel de cotisations du chef de l’application erronée selon l’URSSAF, du mécanisme de l’assiette forfaitaire des cotisations de Sécurité Sociale, aux sommes versées pour les mineurs de moins de 16 ans accueillis au centre de formation dans le cadre d’une convention de préformation.

Le club de Bordeaux considérait que les gratifications qui étaient versées au sein de l’association amateur, support du club professionnel, à destination des jeunes joueurs de moins de 16 ans, sous convention de formation et ayant vocation à intégrer le centre de formation du club, pouvaient bénéficier du mécanisme d’assiette forfaitaire de cotisations prévu pour les personnes exerçant une activité rémunérée liée à l’enseignement ou à la pratique d’un sport dans le cadre d’une association de jeunesse ou d’éducation populaire agréée par le Ministère de la Jeunesse et des Sports.

Pour sa part, l’URSSAF estimait qu’un stage de formation ou une alternance  professionnelle au sein d’une association sportive, ne constituait pas l’exercice d’une activité rémunérée liée à l’enseignement ou à la pratique d’un sport permettant de bénéficier de l’assiette forfaitaire de cotisations sociales.

Par l’arrêt commenté, la Cour de Cassation approuve la Cour d’appel d’avoir validé le redressement et privilégie  le fait que ces jeunes, avant 16 ans, dans le cadre de ce stage de formation rémunéré, continuaient parallèlement de suivre une scolarité obligatoire.

Dès lors ils ne pouvaient être considérés comme exerçant une activité rémunérée même si, en pratique, les gratifications versées par les associations sportives support des clubs professionnels, pour des joueurs entre 14 et 16 ans, dans le cadre de ses conventions de pré formation peuvent parfois déjà être relativement importantes.

Cet arrêt est l’occasion de rappeler l’existence en matière sportive, des mécanismes d’assiette forfaitaire et de franchise de cotisations sociales qui peuvent permettre aux clubs sportifs d’opérer des économies substantielles, mais doivent être utilisés avec vigilance.

Le mécanisme d’assiette forfaitaire de cotisations sociales est issu d’un arrêté du 27 juillet 1994 qui permet aux clubs sportifs, ou à un organisateur de manifestations sportives, de ne payer les cotisations de Sécurité Sociale que sur une assiette forfaitaire, et non sur la totalité de la rémunération versée.

Ainsi, pour les rémunérations inférieures à 45 smic horaire, l’assiette forfaitaire correspond à 5 smic horaire, pour les rémunérations situées entre 45 et 60 smic horaire l’assiette forfaitaire correspond à 15 smic horaire, etc…jusqu’à une assiette forfaitaire de 50 smic horaire pour une rémunération mensuelle située entre 100 et 115 smic horaire.

L’adoption de ce dispositif a eu pour but de privilégier les déclarations d’embauche officielles  même  sur des faibles rémunérations ( temps partiel...) et  d’éviter les tentatives pouvant exister au sein de certains clubs ou associations sportives, de ne pas déclarer les salariés embauchés pour de faibles volumes horaires, préférant des paiements sous forme de frais de déplacement parfois fictifs, ou autres mécanismes de contournement.

A noter cependant : ce mécanisme d’assiette forfaitaire  ne s’applique qu’aux personnes exerçant dans le cadre d’organismes à but non lucratif, dont pouvait, dans l’arrêt commenté, faire partie de l’association loi 1901 gérant le secteur amateur du club professionnel.

Dans le même ordre d’idée, une circulaire interministérielle du 28 juillet 1994 permet aux clubs sportifs de verser certaines sommes en franchise de cotisations, aux sportifs ou aux personnes qui participent ou assument, des fonctions nécessaires à l’encadrement et à l’organisation des manifestations sportives pour le compte des clubs ou des organisateurs (guichetiers, billettistes, accompagnateurs, collaborateurs occasionnels;  les arbitres disposant eux de leur propre mécanisme d’exonération en application de l’article L.241-16 du Code de la Sécurité Sociale.)

Ainsi dans la limite de 5 manifestations par mois, une somme correspondant en 2019 à 130 euros par manifestation, peut être versée en exonération de cotisations.

Cette exonération ne concerne pas les cotisations AGS et assurance  chômage si le bénéficiaire  perçoit parallèlement  un salaire soumis à cotisations au sein du club.

Ce mécanisme est utilisé par de nombreux « petits »  clubs pour gratifier certains sportifs ou employés occasionnels,  puisque cette mesure est réservée à ceux  employant moins de dix salariés permanents à l’exclusion des sportifs eux-mêmes.

Attention cependant : ce mécanisme de franchise de cotisations  ne s’applique pas aux membres du corps médical et  paramédical, aux professeurs, moniteurs et éducateurs sportifs chargés de l’enseignement du sport, ni aux personnels administratifs desdites structures.

Les deux mécanismes (assiette forfaitaire et franchise) peuvent se cumuler.

D’une manière générale, comme en témoignent de réguliers redressements, ces dérogations sont appréciées strictement par l’URSSAF et les juridictions, de sorte que même si elles apparaissent évidemment utiles et favorables aux clubs sportifs, elles doivent être maniées avec prudence.

L'Equipe Droit du Sport

DERBY AVOCATS

A rapprocher : CA  TOULOUSE 19 mai 2017 n° 14/03922