Barème Macron et droit à indemnisation adéquate du salarié licencié

Les dispositions issues de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 instituant un barème relatif aux dommages et intérêts alloués en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse continuent de susciter une jurisprudence foisonnante, dont la cohérence n’est pas toujours facile à établir.

Tour d'horizon des décisions déjà rendues

Ces  dispositions ont été jugées conformes à la constitution (Cons. Const., n°2018-761 DC du 21 mars 2018), et suivant avis  n°15013 du 17 juillet 2019 la Cour de cassation a considéré que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont « compatibles » avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail.

Pour autant de nombreuses Cours d’appel continuent de considérer, sur le fondement de l’article 10 de la convention 158 de l’OIT, qu’il convient en tout état de cause de vérifier si le salarié dont le licenciement est jugé abusif a perçu une indemnisation adéquate ou une réparation appropriée, et que les dispositions ayant instauré le plafond de l’article 1235-3 ne portent pas une atteinte excessive à ce droit (CA Reims 25 septembre 2019 n° 19/00003 ; CA Paris 18 septembre 2019 n° 17/06676 ; CA Caen 7 mai 2020 RG : 19/00920).

Pour  sa part la cour d’appel de Paris avait semblé adopter une position plus restrictive dans une décision du 30 octobre 2019 estimant que le barème permettrait de garantir au salarié “une indemnité adéquate ou une réparation appropriée” puisque « le juge français dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise, garde une marge d’appréciation » (CA Paris, 30 octobre 2019 pôle 6 chambre 8).

L’expression « dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés «  laissant penser que la « marge d’appréciation » des juges français pour parvenir à la réparation adéquate, devait nécessairement s’exercer à l’intérieur des plafonds minimaux et maximaux fixés par les ordonnances Macron.

Or une autre chambre de la cour d’appel de Paris (Pôle 6 - chambre 11) vient d’adopter une position beaucoup plus souple et ouverte quant à l’indemnisation du salarié ( CA Paris 16 mars 2021, n° 19/08721)

Il a ainsi été jugé que :

« Compte tenu de la situation concrète et particulière de MmeX, âgée de 53 ans à la date de la rupture et de 56 ans à ce jour, le montant prévu par l’article L. 1235-3 ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

En conséquence, il y a lieu d’écarter l’application du barème résultant de l’article L. 1235-3 du code du travail. »

La réparation adéquate ne s’exerce donc désormais plus à l’intérieur des barèmes de l’article L 1235–3 du code du travail, et ceux-ci peuvent être écartés sil est constaté qu’ils ne permettent pas de parvenir à cette réparation adéquate du préjudice subi. 

Reste à connaître la position de la Cour de cassation sur cette question.

L’alternative  apparaît désormais la suivante, sauf à considérer que l’appréciation de la réparation adéquate et appropriée relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ,non contrôlé au stade de la cassation...ce qui aurait l’inconvénient de faire perdurer l’incertitude jurisprudentielle:

  • Soit considérer que la recherche de l’indemnisation adéquate et appropriée prévue par l’article 10 de la convention 158 de l’OIT doit nécessairement s’ effectuer dans les limites des plafonds fixées par l’article 1235-3 du code du travail, et qu’en jugeant le contraire dans sa récente décision de la cour d’appel de Paris a commis une erreur de droit
  • Soit au contraire estimer que la Cour d’Appel a pu  légitimement écarter l’application de l’article 1235–3 du code du travail après avoir constaté qu’il ne permettait pas d’allouer au salarié la réparation adéquate et appropriée prévue à l’article 10 de la convention 158 de l’OIT.

Dans cette dernière hypothèse les juridictions conserveraient leur pouvoir d’appréciation au cas par cas.

L’expression « compatible » employée dans l’avis du 17 juillet 2019 pouvant alors s’ interpréter comme suit :

  • L’application par le juge français des barèmes issus de l’article L 1235-3 du code du travail ne porte pas nécessairement atteinte à l’objectif de réparation adéquate fixé par l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT
  • Pour autant si une telle atteinte à l’objectif de réparation adéquate était constatée par une juridiction, elle dispose alors de la possibilité d’écarter l’application des dispositions de l’article L 1235–3 du code du travail

Les deux textes ne s’excluant pas mais se complétant.


Activité partielle : deux modifications importantes apportées par l’ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020

  • Sur l’assujettissement aux charges de l’activité partielle

Pour bien comprendre la nouveauté de ce texte, il faut distinguer :

  • L’indemnité légale de l’activité partielle (versée au salarié) correspondant à  70% du salaire brut
  • L’indemnité complémentaire de l’activité partielle versée volontairement par l’employeur au-delà de ce seuil

Avant le 1er mai, pour un salarié en activité partielle qui bénéficiait du maintien intégral de sa rémunération, l’employeur était intégralement exonéré de charges sociales.

A compter du 1er mai, 2020, l’indemnité complémentaire versée par l’employeur sera soumise à charges sociales dès lors que son cumul avec l’indemnité légale d’activité partielle sera supérieur à 3,15 fois le SMIC horaire.

 

  • Sur la consultation au CSE et aménagement au recours du travail partiel individualisé

Avec ce nouveau texte, soit en cas d'accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de convention ou d'accord de branche, soit après avis favorable du comité social et économique ou du conseil d'entreprise, les salariés en activité partielle peuvent se voir appliquer une répartition différente des heures travaillées et non travaillées, lorsque cette individualisation est nécessaire pour assurer le maintien ou la reprise d'activité.

L’ordonnance impose que l’accord comporte un certain nombre de dispositions comme les critères objectifs, liés aux postes, aux fonctions occupées ou aux qualifications et compétences professionnelles, justifiant la désignation des salariés maintenus ou placés en activité partielle ou faisant l'objet d'une répartition différente des heures travaillées et non travaillées.

Cette disposition permet donc d’individualiser le travail partiel pour les salariés d’une même catégorie, et donc, quand c’est nécessaire, une reprise individualisée d’activité.

Mais l’appel à ce dispositif suppose l’existence d’un accord d’entreprise, et sauf accord de branche, que l’entreprise consulte au minimum ses salariés (CSE au-delà de 11 salariés et si carence d’élus accord de 2/3 des salariés).

 

Le 27 avril 2020


Coronavirus et mesures en matière de congés payés

Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19, il a été institué des dérogations aux règles classiques en matière de congés payés, durées du travail et jours de repos.

L’ensemble de ces mesures dérogatoires courent jusqu’au 31 décembre 2020.

  • Possibilité d’imposer des congés payés :

L’employeur est autorisé à imposer à un salarié la prise de 6 jours de congés payés sous réserve de plusieurs conditions :

  • les conditions doivent être prévues par accord d’entreprise ou à défaut accord de branche
  • respecter un délai de prévenance de minimum un jour franc
  • les congés doivent avoir été acquis

La prise de ces congés peut être imposée y compris avant l'ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris.

Également, l’employeur peut modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés déjà posés. L'accord collectif peut autoriser l'employeur à fractionner les congés sans être tenu de recueillir l'accord du salarié et à fixer les dates des congés sans être tenu d'accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires de PACS travaillant dans son entreprise.

  • Possibilité d’imposer des jours de repos :

L’employeur peut unilatéralement :

  • Imposer ou modifier les jours de repos liés à la réduction du temps de travail (RTT)
  • Imposer ou modifier les jours de repos prévus par une convention de forfait
  • Imposer la prise de jours de repos correspondant à des droits affectés sur le compte épargne-temps

Cependant le nombre de jours de repos imposés est limité à 10.

  • Dérogation aux principes en matière de temps de travail :

Dans les entreprises relevant de secteurs d'activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale (dont la liste sera fixée par décret), les dérogations suivantes sont instituées :

1° La durée quotidienne maximale de travail peut être portée jusqu'à 12 heures ;

2° La durée quotidienne maximale de travail accomplie par un travailleur de nuit peut être portée jusqu'à 12 heures, sous réserve de l'attribution d'un repos compensateur égal au dépassement au-delà de 8 heures ;

La durée du repos quotidien peut être réduite jusqu'à 9 heures consécutives, sous réserve de l'attribution d'un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n'a pu bénéficier ;

La durée hebdomadaire maximale peut être portée jusqu'à 60 heures ;

La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives peut être portée jusqu'à 48 heures ;

La durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de douze semaines consécutives peut être portée jusqu'à 44 heures.

7° Possibilité de déroger au principe du repos dominical.

Parmi ces dérogations, un décret précisera lesquelles seront applicables en fonction du secteur d’activité de l’entreprise.

L’utilisation d’une de ces dérogations s’accompagne obligatoirement d’une information du CSE et de la DIRECCTE.

 


Coronavirus et contrats des sportifs et entraîneurs professionnels

Les fédérations sportives prendront prochainement des décisions sur la poursuite des compétitions sportives en raison de la crise sanitaire actuelle.

Quelles en seront les conséquences sur les contrats des sportifs et entraîneurs professionnels ?

Les deux hypothèses les plus fréquemment envisagées sont :

- l’arrêt de la saison sportive en cours donnant généralement lieu à l’application d’une saison blanche en termes d’accession et de relégation au niveau sportif.

- la prolongation de la saison sportive après la date du 30 juin 2020 (date la plus fréquemment prévue en France pour la fin de la saison sportive).

Nous examinerons tour à tour ces deux hypothèses ainsi que leurs conséquences sur les contrats des sportifs et entraîneurs professionnels.

 

  1. Hypothèse de l’arrêt des compétitions de manière anticipée.

Il ne s’agit pas de l’hypothèse privilégiée à ce jour par les fédérations et ligues professionnelles ( Ligue 1 Ligue 2 en Football, Top 14 et proD2 en rugby, Jeep Elite en Basket) dès lors que lorsqu’il existe dans ces sports des droits commerciaux, et notamment télévisés, importants de sorte qu’un arrêt anticipé des compétitions implique une perte de recettes très importante.

En revanche cette solution est susceptible d’être privilégiée lors de compétitions fédérales pour lesquelles il n’existe pas d’enjeu majeur en termes de droits télévisés ou de contrats commerciaux en cours, dont l’interruption anticipée serait de nature à remettre en cause l’équilibre budgétaire des acteurs.

Or des sportifs et entraîneurs professionnels, au sens de la Convention Collective Nationale du Sport, participent à ces compétitions.

Ainsi dans l’hypothèse où une fédération déciderait, par exemple, d’interrompre ses compétitions sportives à compter du 30 mars ou du 30 avril qu’adviendrait-il des contrats de travail signés par des sportifs, lesquels sont en principe conclus pour la durée d’une saison sportive se terminant le 30 juin 2020.

Notamment les clubs pourraient-ils invoquer ces décisions fédérales ou les difficultés économiques découlant de la crise sanitaire pour rompre les contrats en cours ?

S’agissant de contrats à durée déterminée l’invocation de simples difficultés économiques pour rompre le contrat est exclue en application d’une jurisprudence constante

***

Quant à la force majeure si elle est prévue par l’article L 1243-1 du code du travail comme une hypothèse possible de rupture du contrat à durée déterminée son utilisation demeure par définition soumise à plusieurs incertitudes dans le cas de la crise sanitaire actuelle.

L’article 1218 du code civil, dispose désormais : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur »

En matière de droit du travail l’obligation essentielle de l’employeur outre le paiement du salaire, est de fournir un travail au salarié, et en matière sportive de permettre au sportif de participer aux compétitions pour lequel il s’est trouvé recruté.

L’arrêt du championnat sportif découlant des mesures de fermeture légale des enceintes sportives pourrait donc être invoqué comme empêchant l’employeur d’accomplir son obligation de fournir du travail.

Cependant il pourrait  être soutenu en réponse par le sportif dont le contrat serait rompu pour cause de force majeure prétendue,  que la décision d’arrêt du championnat « n’échappe pas au contrôle du débiteur ( les clubs ) » puisque ce sont eux qui constituent les fédérations sportives, et surtout les ligues professionnelles, et qu’en quelque sorte la décision de l’arrêt des championnats  ne leur serait donc pas étrangère, dès lors qu’elle se trouve prise par leurs représentants tels qu’issus des dernières élections. On notera par également sur ce point que bon nombre de présidents de clubs siègent au comité directeur des ligues professionnelles.

En réalité c’est davantage l’impossibilité d’accéder aux enceintes sportives que la décision fédérale éventuelle d’arrêter en cours de saison une compétition sportive qui pourrait être invoquée, mais tant que la Fédération concernée n’a pas pris de décision il semblerait délicat pour un club de soutenir que le fait de ne pouvoir accéder aux enceintes sportives permet de rompre un CDD en cours.

C’est ici l’autre élément de la force majeure qui semble faire défaut puisqu’il est nécessaire de démontrer « l’impossibilité d’éviter les effets liés à l’événement constitutif de force majeure par des mesures appropriées ».

Or il pourrait être considéré que l’une des mesures appropriées consiste à prolonger le championnat au-delà du 30 juin, ou encore d’avoir recours au mécanisme d’activité partielle jusqu’à l’échéance du contrat.

On le voit la rupture de contrat sportifs pour lesquels il ne reste que deux ou trois mois de salaire à régler apparaîtrait pour le moins risquée d’autant que pour les sportifs et entraîneurs (hors football et rugby professionnel qui a priori ont exclu cet arrêt anticipé des compétitions) le plafond rehaussé de l’allocation versée aux employeurs au titre de l’activité partielle (70% du revenu brut du salarié dans la limite de 4,5 SMIC) est de nature à limiter l’impact budgétaire de contrats devant se poursuivre jusqu’au 30 juin, même en cas de saison sportive interrompu de manière anticipée. Et donc par conséquent de nature à caractériser une mesure appropriée pour limiter les effets d’un événement caractéristique d’une éventuelle force majeure.

Notons également que le recours à la force majeure pour rompre le contrat de travail d’un joueur ou d’un entraîneur induirait a priori la rupture de l’ensemble des contrats de l’effectif professionnel. On comprendrait en effet mal pourquoi tel ou tel sportif aurait pu voir son contrat rompu alors que tel ou tel autre ne l’a pas été.

Enfin, il pourrait également être invoqué en cas de contentieux le fait que la participation au « match » n’est pas la seule contrepartie à la rémunération du joueur ou de l’entraîneur.

L’utilisation de son image notamment son image associée aux signes distinctifs du club en est également généralement une autre.

Or cette contrepartie ne se trouve pas empêchée par l’épidémie de Covid-19.

A ce jour, et même si par définition il n’existe pas de décision spécifique au Covid-19, la jurisprudence a pu considérer que ne constituait pas un cas de force majeure :

  • La destruction totale ou partielle de locaux d’une entreprise consécutive à un sinistre, dans le cas où la reprise de l’exploitation est possible et ce même après une longue interruption,
  • la fermeture administrative d’un établissement,
  • le ralentissement, ou même la cessation d’activité,

De la même manière les précédentes épidémies comme le Chikungunya, la Dengue, Ebola etc… n’ont pas été reconnues comme des cas de force majeure.

***

A défaut de force majeure est-il possible d’avoir recours à la théorie de l’imprévision pour remettre en cause les contrats de travail en cours au regard du bouleversement économique que constitue la crise sanitaire actuelle ?

Cette hypothèse est désormais prévue par l’article 1195 du Code civil qui dispose :

« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »

Si théoriquement cette disposition légale est susceptible de s’appliquer aux contrats de travail, les modalités de mise en œuvre de la procédure et le temps judiciaire semblent mal s’accommoder du cours laps de temps restant à courir jusqu’à la fin de la saison ou même de la saison suivante.

Dès lors il est probable que les clubs concernés préféreront sans doute négocier avec les sportifs plutôt que de se lancer dans une procédure en révision du contrat incertaine.

D’autant plus que cette procédure ne les dispense pas d’exécuter leurs obligations dans l’attente de la décision du juge, laquelle au surplus perdrait son intérêt si, au jour de la décision de justice rendue, le contrat a été résilié ou ne se trouve plus en cours.

En synthèse l’hypothèse d’une annulation de la saison sportive avec arrêt anticipé des championnats dans le cadre de compétitions  non directement dépendantes des droits commerciaux et télévisés, devrait permettre aux sportifs et entraîneurs concernés de bénéficier de l’exécution de leur contrat de travail sous réserve d’éventuelles périodes d’activité partielle.

  1. Hypothèse de la prolongation des compétitions sportives au-delà du 30 juin 2020

C’est l’hypothèse à ce jour privilégiée par les Ligues professionnelles des sports dans lesquels il existe une forte dépendance à l’égard des droits commerciaux et notamment télévisés.

En France les CDD spécifiques aux sportifs et entraîneurs professionnels sont à la fois régis par les articles L222-2 et suivants du Code du Sport et par les différentes conventions collectives applicables.

L’article L 222-2-4 du Code du Sport prévoit :

« La durée d'un contrat de travail mentionné à l'article L. 222-2-3 ne peut être inférieure à la durée d'une saison sportive fixée à douze mois.

Toutefois, un contrat conclu en cours de saison sportive peut avoir une durée inférieure à douze mois, dans les conditions définies par une convention ou un accord collectif national ou, à défaut, par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle :

1° Dès lors qu'il court au minimum jusqu'au terme de la saison sportive ;

2° S'il est conclu pour assurer le remplacement d'un sportif ou d'un entraîneur professionnel en cas d'absence du sportif ou de l'entraîneur ou de suspension de son contrat de travail ;

3° S'il est conclu pour assurer le remplacement d'un sportif ou d'un entraîneur faisant l'objet de l'opération mentionnée au premier alinéa de l'article L. 222-3.

Les dates de début et de fin de la saison sportive sont arrêtées par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle.

La durée du contrat de travail mentionné à l'article L. 222-2-3 ne peut être supérieure à cinq ans, sous réserve de l'article L. 211-5. »

La question posée est donc de savoir s’il existe un obstacle juridique à la prolongation des compétitions sportives après le 30 juin 2020, et à défaut l’impact d’une telle prolongation sur les contrats en cours

2.1 Possibilité de prolonger la saison sportive

En terme réglementaire rien ne semble s’opposer à ce qu’une fédération sportive décide au regard de  la situation actuelle que ses championnats se termineront en juillet ou août 2020 au lieu du 30 juin 2020.

Certes il existe un principe de confiance légitime entre les participants à une compétition et les organisateurs de celle-ci qui pourrait alimenter des recours tirés du  fait que la durée de saison initialement prévue dans les règlements n’ait pas été au final  respectée.

Mais le cadre exceptionnel dans lesquelles une telle décision serait prise et les considérations d’intérêt général,  qu’il s’agisse de l’aspect sanitaire,  de l’équité des compétitions sportives voire même  de l’équilibre  financier des acteurs, pourrait justifier une telle modification réglementaire.

Cependant une telle modification du calendrier sportif ne saurait, sous peine de générer plus de difficultés qu’elle n’en résoudrait, se décider sans concertation avec les instances des fédérations internationales.

En effet il incombe à ces instances au niveau mondial et européen de fixer les calendriers des compétitions (Coupe du monde, coupe d’Europe…) et les fédérations nationales doivent pouvoir en temps utile transmettre aux fédérations internationales l’identité des clubs qui, du fait de leur classement sportifs, ont gagné le droit de participer aux compétitions internationales.

Il en est de même pour les périodes de transfert qui nécessitent un minimum d’harmonisation.

La concertation va donc s’imposer d’autant plus que la fixation d’un calendrier de compétition commun au niveau européen ou mondial est susceptible de connaître des difficultés puisque l’état sanitaire respectif des pays sera différent dans le temps.

Ainsi les clubs d’un pays ayant jugulé l’épidémie accepteront-ils d’aller jouer dès la fin du mois d’août 2020 dans des pays toujours en crise, et les fédérations internationales prendront elles le risque d’organiser de telles rencontres ?

 Pour autant et à supposer l’harmonisation d’un calendrier commun établie, la simple prolongation réglementaire de la saison sportive par les fédérations nationales n’apparaît pas suffisante pour régler la situation de sportifs et entraîneurs professionnels.

2.2 Impact de la prolongation de la saison sportive sur les contrats de travail des sportifs et entraîneurs professionnels

De manière liminaire, il convient d’indiquer qu’évidemment la simple modification réglementaire de la durée de la saison sportive n’a pas d’impact direct sur les contrats de travail signés, et qu’il sera nécessaire pour les clubs de contractualiser des avenants aux contrats de travail.

Plusieurs hypothèses doivent être distinguées.

 

2.2.1 Cas du sportif ou entraîneur en fin de contrat sans engagement auprès d’un autre club à compter du 1er juillet 2020.

Dans cette hypothèse le club devra contractualiser - et en fonction des règles fédérales soumettre à l’homologation - un avenant contractuel prévoyant la prolongation du contrat à durée déterminée jusqu’à la date prévue pour la fin de la nouvelle saison sportive.

Sans la signature de cet avenant écrit l’employeur risquerait d’ailleurs la requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée puisque la relation contractuelle se serait poursuivie après la fin du terme du contrat initialement prévu.

2.2.2 Cas du sportif ou entraîneur en fin de contrat au 30 juin 2020 mais disposant d’un engagement contractuel à compter du 1er juillet 2020 auprès d’un autre club.

Il peut s’agir de l’hypothèse d’un sportif qui se trouve en fin de contrat au 30 juin 2020 et qui a déjà signé une promesse d’embauche au profit d’un autre club en France ou à l’étranger à effet du 1er juillet 2020

Ou de l’hypothèse d’un sportif sous contrat avec un Club mais qui avait été prêté dans un autre club jusqu’au 30 juin 2020 et avait vocation dès le 1er juillet 2020 à retrouver son employeur initial.

En premier lieu, il ne semble pas possible à défaut d’accord du salarié de le contraindre à accepter une prolongation de son contrat initial pour achever la saison en cours. La durée du contrat pouvant apparaître comme un élément essentiel du contrat de travail à durée déterminée ne pouvant être modifiée sans l’accord du salarié.

Pour autant il est également possible qu’au regard des règles d’équité des compétitions sportives, les instances des fédérations ou Ligues professionnelles n’acceptent pas d’homologuer le contrat de travail du sportif dans son nouveau club, dans l’hypothèse où la saison précédente ne serait pas achevée.

Or la plupart des contrats des sportifs ou entraîneur professionnels comportent une condition suspensive d’entrée en vigueur liée à l’homologation par la ligue professionnelle.

En matière internationale, les mutations ne peuvent s’opérer qu’en respectant un processus strictement encadré par les fédérations internationales.

L’une des incertitudes actuelle est d’ailleurs de connaître le niveau d’intervention des fédérations internationales pour réguler la situation, puisque si une ligue professionnelle peut sans difficulté régir les relations entre ses clubs au niveau national et assurer un minimum de paix sociale en rassemblant les acteurs concernés ; elle ne dispose que de peu de pouvoir pour par exemple empêcher un joueur en fin de contrat de décider de s’engager dès le 1er juillet 2020 dans un autre club européen par exemple, sans finir le championnat Français.

Il peut donc être raisonnablement imaginé qu’en France si une décision de prolongation de la saison sportive était prise, le mécanisme d’homologation des contrats servirait de régulateur afin d’assurer la continuité entre les deux saisons sportives.

Cependant le fait de ne pas homologuer les contrats dans l’attente de la fin de la précédente saison sportive ne réglerait pas toutes les difficultés.

En effet le Code du sport prévoit que la durée des contrats est d’une durée minimale de 12 mois de sorte que si cette durée est respectée l’homologation du contrat dans le nouveau club aboutira à faire, de manière rétroactive, qu’un sportif se soit trouvé en situation de double contrat.

Sauf intervention législative remettant en cause l’obligation de signer un contrat d’une durée de 12 mois minimum, la solution pourrait être dans ce cas de régulariser deux avenants prévoyant d’une part la prolongation contractuelle dans un cas (club saison 2019/2020) et d’autre part, la suspension du contrat de travail dans le nouveau club (saison 2020/2021).

La signature de ce dernier avenant pourrait être l’occasion de clarifier les stipulations contractuelles notamment dans le futur club puisqu’il est fréquemment prévu des primes à la signature, et qu’il apparaît probable que le nouvel employeur ne sera pas forcément favorable pour régler le salaire d’ un sportif qui se trouvait employé par un autre club pour la période concernée.

2.2.3 Cas du sportif ou de l’entraîneur dont le contrat à vocation à s’achever à la fin de saison sportive 2021 ou postérieurement.

Dans l’hypothèse d’un joueur ayant signé jusqu’en 2021 ou 2022 avec une augmentation de salaire prévue à compter de juillet 2020 et le cas échéant des primes de signature devant être versées le 15 juillet 2020 par exemple, il pourrait être soutenu que le contrat suit son cours normal puisqu’il a été homologué à l’origine et que le joueur ne change pas de club.

De sorte qu’il pourrait donc normalement continuer à être payé au fil de l’évolution de son contrat sans que l’allongement de la saison précédente soit un motif pour lui faire décaler son augmentation de salaire et le versement de primes éventuelles.

Cependant ces situations devront faire l’objet d’un examen au cas par cas  et notamment du point de savoir si le contrat évoque un salaire « à compter du 1er juillet 2020 » ou à compter « de la saison sportive 2020 2021. »

Quoi qu’il en soit les discussions qui s’annoncent feront évidemment appel à la responsabilité de chacun des acteurs.

Une adaptation des conventions collectives qui prévoient souvent que les contrats s’achèvent « au 30 juin » de la saison en cours aura sans doute vocation à être envisagée, mais au-delà les organisations professionnelles représentatives auront un rôle déterminant à jouer.

L'Equipe Droit du Sport

Derby Avocats

25 mars 2020


LE REGIME DE L’ACTIVITE PARTIELLE

L’épidémie du coronavirus empêche de nombreuses entreprises de fonctionner normalement, ayant pour conséquences d'importantes pertes de revenus ou l'absence de travail.

Cette situation pousse les entreprises à mettre en place un régime d’activité partielle (aussi appelée chômage partiel).

 Ce régime est fondé sur les articles L5122-1 et R5122-1 et suivants du Code du Travail.

Conditions de mise en œuvre :

Une entreprise peut mettre en place un régime d’activité partielle après autorisation de l’autorité administrative compétente (DIRECCTE), et après avis du CSE pour les entreprises de plus de 50 salariés. Depuis le 25 mars 2020 et le décret n°2020-325, les demandes d'activités partielle sont soumises à l'avis du CSE quelque soit le nombre de salariés, cet avis pouvant être sollicité a posteriori dans un délai de deux mois suivant la demande d'indemnisation  l'Agence de services et de paiement.

L’autorité administrative a normalement 15 jours pour donner son autorisation. Ce délai est actuellement et exceptionnellement réduit à 48 heures en raison des circonstances particulières.

L’entreprise peut solliciter une activité partielle si les salariés subissent une perte de rémunération imputable :

-soit à la fermeture temporaire de son établissement ou partie d'établissement ;

-soit à la réduction de l'horaire de travail pratiqué dans l'établissement ou partie d'établissement en deçà de la durée légale de travail

La réduction ou la suspension temporairement de l’activité doit être liée à l'un des motifs suivants :

1° La conjoncture économique ;
2° Des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie ;
3° Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;
4° La transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise ;
5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel.

En l'espèce, l’épidémie de coronavirus sera très probablement assimilée à un « sinistre à caractère exceptionnel ».

La demande d'activité partielle peut couvrir tout ou seulement partie du temps de travail.

En matière de formalisme, il faut rappeler que la demande d'activité partielle doit préciser :

1° Les motifs justifiant le recours à l'activité partielle ;

2° La période prévisible de sous-activité ;

3° Le nombre de salariés concernés.

L' autorisation d'activité partielle peut être accordée pour une durée maximum de 12 mois. Elle peut cependant être renouvelée.

Dans cette hypothèse et également si l'entreprise a déjà placé ses salariés en activité partielle au cours des trente-six mois précédant la date de dépôt de la demande d'autorisation, celle-ci mentionne les engagements souscrits par l'employeur.

Ces engagements peuvent notamment porter sur :

1° Le maintien dans l'emploi des salariés pendant une durée pouvant atteindre le double de la période d'autorisation ;

2° Des actions spécifiques de formation pour les salariés placés en activité partielle ;

3° Des actions en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;

4° Des actions visant à rétablir la situation économique de l'entreprise.

 

Conséquence de l’activité partielle

Dès lors que l’entreprise a reçu l’autorisation de mettre en place une activité partielle, le contrat de travail est suspendu pour la période chômée.

Le salarié n’a donc pas l’obligation de se rendre au travail durant les heures touchées par l’activité partielle.

Le salarié perçoit cependant par son employeur une indemnité équivalente à 70% de son salaire brut (soit environ 84% de son salaire net).

L’activité partielle entraine donc inévitablement une perte de rémunération pour le salarié.

Étant cependant précisé que si le salarié est en formation, l’indemnisation est dans ce cas portée à 100%.

L’État verse ensuite une allocation à l’employeur équivalente à 70% du salaire brut du salarié (soit le montant de l'indemnité qui lui est versée), dans la limite de 4,5 SMIC.

Évidemment, cette allocation est versée au prorata des heures non travaillées. Par exemple, si l’activité partielle consiste en une réduction du temps de travail de 10 heures par semaine, le salarié sera rémunéré 25 heures normalement et 10 heures à hauteur de 70% de sa rémunération horaire brute.

 


NOTE SUR LA REFORME DE L’ASSURANCE CHOMAGE ISSUE DU DECRET 2019-797 DU 26 JUILLET 2019

Le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 auquel est annexé le nouveau règlement de l’assurance chômage a pris effet le 1er novembre 2019.

 Quelques points essentiels à retenir.

 

  • Modification de la condition de durée de travail pour l’ouverture du droit au chômage

Auparavant, afin de pouvoir prétendre à l’assurance chômage, le salarié devait avoir travaillé au moins 4 mois au cours des 28 derniers mois (ou 36 derniers mois pour les salariés de plus de 53 ans).

Désormais le salarié devra justifier de 130 jours travaillés ou 910 heures travaillées, soit environ 6 mois, au cours des 24 derniers mois (ou 6 mois sur 36 derniers mois pour les salariés de plus de 53 ans).

Autre conséquence, la durée minimale d’indemnisation est donc augmentée à 182 jours au lieu de 122 jours auparavant.

  • Nouvelle condition d’affiliation pour le rechargement des droits

Auparavant, toute période travaillée à hauteur de 150 heures (environ un mois de travail à temps plein) au cours de la période de chômage permettait au salarié de recharger ses droits.

Désormais, le salarié devra justifier d’une période travaillée de 6 mois pour le rechargement de ses droits.

  • Durée d’indemnisation chômage

La durée d'indemnisation est égale au nombre de jours calendaires travaillés durant les 24 derniers mois.

Sont déduits de ce nombre de jours calendaires, les jours, situés en dehors d'une période pendant laquelle l'intéressé bénéficie d'un contrat de travail, correspondant :

- aux périodes de maternité indemnisées par la sécurité sociale et aux périodes d'indemnisation accordées à la mère ou au père adoptif ;

- aux périodes de maternité non mentionnées à l'alinéa précédent, indemnisées au titre de la prévoyance ;

- aux périodes d'arrêt maladie d'une durée supérieure à quinze jours consécutifs;
- aux périodes d'accident du travail ainsi que les périodes de maladie d'origine professionnelle ;

  • Dégressivité de l’indemnisation pour les salaires élevés

L'allocation journalière (pour les allocataires âgés de moins de 57 ans à la date de leur fin de contrat de travail) est affectée d'un coefficient de dégressivité égal à 0,7 à partir du 183e jour d'indemnisation.

La dégressivité ne pourra cependant avoir pour effet de réduire l’allocation journalière en deçà de 84,33 euros.

Cependant, aucune dégressivité n'est appliquée aux demandeurs d'emploi dont l'allocation journalière est inférieure ou égale à 84,33 € (soit un salaire journalier de référence inférieur ou égal à 147,95 €, soit environ 4500 € bruts par mois).

La réduction de 30% ne sera pleinement appliquée qu'aux demandeurs d'emploi dont l'allocation journalière est supérieure à 120,47 € (soit un salaire journalier de référence inférieur ou égal à 211,53 €, soit environ 6441 € bruts par mois).

Ce point peut particulièrement toucher les sportifs que le cabinet régulièrement au sein de son département droit du sport.

Par dérogation, l'accomplissement d'une action de formation, soit inscrite dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi, soit non inscrite dans ce projet mais financée en tout ou partie, par la mobilisation du compte personnel de formation, suspend pour la durée correspondante le délai de 182 jours visé ci-dessus.

Un arrêté du ministre chargé de l'emploi doit encore définir les finalités et conditions de durée auxquelles doivent répondre ces actions de formation.

  • Possibilité de versement de l’ARE pendant une formation non inscrite au projet personnalisé d'accès à l'emploi financée en tout ou partie par le CPF (compte personnel de formation)

Le nouveau règlement Pôle Emploi prévoit désormais la possibilité de recevoir le chômage quand bien même l’allocataire suit une formation qui n’est pas inscrite dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi, mais à condition que celle-ci soit financée pour tout ou partie par le CPF.

Cette nouvelle possibilité peut être particulièrement intéressante pour les sportifs en reconversion.

  • Ouverture de l’assurance chômage à certains salariés démissionnaires ayant un projet professionnel

Le salarié démissionnaire justifiant de 5 années de travail continues avant la fin de son contrat de travail pourra percevoir l’allocation chômage s’il démissionne pour poursuivre un projet professionnel dont le caractère réel et sérieux est attesté par la commission paritaire interprofessionnelle régionale.

Le projet aura donc dû être travaillé et validé préalablement à la démission.

 


La requalification à temps plein du contrat de travail d’un sportif employé en temps partiel modulé

CA Grenoble 25 juin 2019 n°17/04508

☞ Ce qu’il faut retenir:

Le contrat de travail à temps partiel d’un joueur de rugby doit être requalifié à temps plein dès lors que l’employeur ne démontre pas que le salarié pouvait prévoir son rythme de travail, quand bien même un accord sectoriel prévoit la possibilité de moduler le temps de travail des sportifs concernés.

 Pour approfondir

Un joueur de rugby a conclu un contrat de travail à durée déterminée avec un club évoluant en Fédérale 1 (troisième division nationale).

Le contrat était conclu à temps partiel à hauteur de 117 heures de travail par mois.

Son contrat a été rompu avant son terme en raison de la liquidation judiciaire du club.

Le joueur saisissait le Conseil de Prud’hommes estimant que son contrat de travail devait être requalifié à temps plein. Il sollicitait en conséquence un rappel de salaire sur la base d’un temps plein, ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail sur la base de son salaire réévalué.

Il se fondait notamment sur le fait que son contrat de travail ne prévoyait pas la répartition de son temps de travail sur les jours de la semaine, ce qui induisait la présomption d’un temps plein reconnue classiquement par la jurisprudence en cas de manquement au formalisme du contrat de travail à temps partiel.

Le mandataire judiciaire et l’AGS-CGEA  faisaient pour leur part référence au statut du joueur de rugby de Fédérale 1, accord sectoriel applicable, qui prévoyait la possibilité de moduler le temps de travail des joueurs, y compris pour ceux ayant conclu un contrat de travail à temps partiel, compte tenu de la spécificité du temps de travail des sportifs professionnels lequel doit s’adapter à la saisonnalité sportive.

Le Conseil de Prud’hommes a suivi cette argumentation et débouté intégralement le salarié.

Pour sa part la Cour d’Appel de Grenoble infirme cette décision et fait droit à l’intégralité des prétentions du joueur.

Après avoir rappelé les règles en matière de formalisme du contrat de travail à temps partiel, prévues par la Loi et reprises par la Convention Collective Nationale du Sport (accord collectif de branche étendu), la Cour retient que la modulation du temps de travail prévue par l’accord sectoriel ne décharge pas l’employeur d’apporter la preuve qu’il a informé le salarié de la répartition de son temps de travail.

Et ce d’autant plus que le Statut du Joueur de Fédérale 1 prévoit que si le club employeur souhaite recourir à la modulation du temps de travail, celui-ci doit transmettre au salarié en début de saison sportive un programme indicatif annuel.

Cette obligation est rarement respectée par les clubs et cet arrêt est l’occasion de rappeler que les risques encourus faute de respect de ce formalisme.

En matière sportive les requalifications de contrat à temps partiel en temps plein sont fréquentes, et la Cour de Cassation au surplus jugé, concernant un autre joueur de rugby, que la présomption de temps plein ne pouvait être renversée par la seule constatation que le joueur exerçait une autre activité professionnelle parallèle (Soc. 9 juillet 2014 n°13-16427).

Toujours en matière sportive, il a pu être jugé que les attestations d’autres joueurs sont insuffisantes à rapporter la preuve de la connaissance personnelle par un salarié de son propre emploi du temps (CA Toulouse, 27-01-2017, n° 14/02316).

De manière générale, l’activité sportive occasionne des changements d’horaires de travail fréquents en fonction des périodes de la saison sportive et du calendrier sportif (stages, période de préparation de pré-saison, période de récupération, match à domicile, match à l’extérieur etc…), mais aussi des résultats sportifs de l’équipe qui peuvent avoir pour conséquence des modifications des plannings d’entrainement.

La vigilance doit donc être de mise pour les employeurs du secteur sportif quant à la transmission de plannings écrits respectant les délais de prévenance légaux ou conventionnels, afin de permettre aux sportifs d’organiser librement leur vie personnelle pour les périodes ne correspondant pas à du temps de travail contractuel.

A noter enfin que certaines dispositions de la Convention Collective Nationale du Sport prévoyant un régime d’équivalence pour le décompte des heures de travail de nuit en cas de surveillances nocturnes ou d’accompagnements d’équipes lors de déplacements (article 5.3.5.4) doivent être maniées avec grande précaution (En ce sens Soc. 10 avril 2019 n°17-28590 refusant d’appliquer ce régime d’équivalence faute de publication en matière sportive du décret prévu par l’article L. 3121- 9 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la Loi du 8 août 2016)

A rapprocher :  articles L3123-14 du Code du travail ; statut du joueur de Fédérale 1

L'Equipe Droit du Sport

Derby Avocats


Sportifs professionnels et inaptitude

CAA Bordeaux 8 mars 2019 n°16BX01563

☞ Ce qu’il faut retenir:

Doit être approuvée la décision du Ministre du travail ayant confirmé l’inaptitude d’un joueur professionnel de football victime d’une embolie pulmonaire, au regard de contre-indications liées à de longs déplacements en avion, et peu important le fait que ce joueur ait postérieurement été recruté d’autres clubs professionnels.

 Pour approfondir

Un joueur de football professionnel est victime d’une embolie pulmonaire et se voit déclarer inapte à son poste. Le club lui transmet une proposition de reclassement qu’il refuse. Le joueur se trouve par la suite licencié pour inaptitude et du fait de l’impossibilité de reclassement.

Un recours est formé à l’encontre de l’avis d’inaptitude lequel est confirmé par l’Inspecteur du travail local puis par le Ministre du travail sur recours hiérarchique.

Le Tribunal administratif de Toulouse dans une première décision du 03 mars 2016 rejette la demande d’annulation de la décision du Ministre du travail, et c’est cette décision qui confirmée par l’arrêt commenté.

Outre divers arguments procéduraux, le joueur soutenait qu’il se trouvait parfaitement rétabli au jour des avis d’inaptitude, son embolie pulmonaire l’ayant affecté plus de deux ans auparavant.

Il soutenait également que son aptitude à exercer sa profession de joueur de football était démontrée par le fait que d’autres clubs professionnels l’avaient recruté postérieurement à la rupture de son contrat de travail initial.

Ces arguments n’emportent pas la conviction des Juges qui considèrent, d’une part, que si les certificats médicaux produits par le joueur faisaient état de l’absence de séquelles majeures ils n’excluaient pas formellement tout risque de récidive; et d’autre part, que les éléments liés à un recrutement postérieur par d’autres clubs sont sans incidence sur la légalité des décisions prononçant l’inaptitude, laquelle s’apprécie au jour où elles ont été prises.

Cette motivation apparaît sévère pour un sportif qui en pratique avait poursuivi sa carrière sans difficulté, mais elle confirme la difficulté à remettre en cause, dans le cadre d’une discussion sur le fond, les avis médicaux d’aptitude ou d’inaptitude (déjà en ce sens CE 18.05.2017 n° 402186 SASP Football Club de Nantes c/ GRAVGAARD confirmant une décision de la Cour administrative d’appel de Nantes du 07.06.2016 ayant validé un avis d’aptitude médicale, non sans avoir au préalable ordonné une expertise judiciaire).

Or qu’il s’agisse de la défense des intérêts des clubs ou des sportifs, la période au cours de laquelle se cristallise, ou non, l’inaptitude revêt de forts enjeux stratégiques.

En effet, les conséquences de tels avis sont extrêmement importants puisque les sportifs professionnels sont salariés, de par détermination de la loi, sous contrat à durée déterminée, de sorte si une décision d’inaptitude est remise en cause, la décision de rupture du contrat fondée sur ce motif devient nécessairement sans fondement, et entraîne pour le sportif le droit à percevoir l’intégralité des salaires prévus au contrat de travail jusqu’à l’issue de celui-ci.

A l’inverse, si l’inaptitude se trouve validée, le club ne devra régler qu’une indemnité équivalente à l’indemnité légale de licenciement (Article L.1226-4-3 du Code du travail), ce qui correspond à un différentiel important pour des rémunérations se comptant en dizaine de milliers d’euros et des contrat pouvant courir pendant 5 saisons sportives.

La vigilance s’impose donc, et en cas de litige il faudra faire usage de nouvelle procédure contestation d’avis émis par le médecin du travail, ouverte à l’employeur et salarié (saisine du Conseil de Prud’hommes en la forme des référés dans un délai de 15 jours, articles L 4624-7 et R 4624-45 du Code du Travail).

Le Conseil de Prud’hommes dispose de la faculté de recourir aux compétences du médecin inspecteur du travail, ce qui devrait permettre notamment d’échapper aux discussions touchant à un éventuel conflit d’intérêts pouvant résulter du fait que les premières orientations vers une inaptitude sont souvent données par le médecin du club.

Or celui-ci est souvent salarié du club, et peut être considéré en cas de litige comme susceptible d’incliner vers une inaptitude, moins couteuse pour le club et lui évitant de maintenir dans ses effectifs un sportif qui serait considéré comme ne pouvant plus donner la pleine mesure de son talent.

Une fois rendue, la décision du Conseil de Prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestées.

En cas de confirmation de l’inaptitude, pour remettre en cause une rupture de contrat les seules des discussions susceptibles d’être menées toucheront au respect par l’employeur de son obligation de reclassement, et le cas échéant à l’absence de saisine avant la rupture du contrat, d’organismes paritaires susceptibles de constituer une garantie de fond pour le salarié.

Ainsi dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté le joueur est malgré tout parvenu à « sauver » la contestation de la rupture de son contrat de travail, malgré l’inaptitude validée, en faisant juger, dans le cadre d’une instance prud’homale, que le club n’avait pas respecté les garanties de fond prévues par la Charte du football professionnel, et notamment l’obligation de saisir préalablement à toute rupture du contrat la commission juridique de la Ligue de football professionnel (CA. Toulouse 20.04.2017 n° 14-03507)

A rapprocher :  articles L4624-1 et suivants du Code du travail

L’équipe Droit du Sport

Derby Avocats