Droit d’auteur et droits voisins dans l’environnement numérique : la nouvelle Directive européenne à transposer

Dans l’attente de l’imminente publication au Journal Officiel de l’Union Européenne de la Directive « sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique » (adoptée par le Parlement le 26 mars et approuvée par le Conseil le 15 avril 2019), nous pouvons envisager les « mesures visant à assurer le bon fonctionnement du marché du droit d’auteur » (Titre IV) que les États membres auront à transposer dans les deux années suivant la publication à intervenir.

Considérant que depuis la précédente Directive dite DADVSI de 2001, « l'évolution rapide des technologies continue à modifier la manière dont les œuvres ou autres objets protégés sont créés, produits, distribués et exploités », le législateur européen a souhaité répondre aux nouvelles insécurités juridiques apparues en vingt ans, « tant pour les titulaires de droits que pour les utilisateurs, en ce qui concerne certaines utilisations, notamment transfrontières, d'œuvres ou autres objets protégés dans l'environnement numérique » (Considérant 3).

La nouvelle Directive a donc pour objectif notamment de rééquilibrer les rapports entre les titulaires de droits et les diffuseurs de contenus, au titre desquels sont particulièrement visés :
- « les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne » (type YouTube), vis-à-vis desquels les droits d’auteurs et droits voisins sont renforcés (1),
- « les agrégateurs d’informations » (type Google Actualités), à l’égard desquels un nouveau droit voisin est créé au bénéfice des éditeurs de presse (2).

1. Extension des droits vis-à-vis des fournisseurs de services de partage

Selon l’ancienne Directive DADVSI, les plateformes de partage de contenus en ligne n’étaient pas nécessairement responsables du contenu posté par leurs utilisateurs ; désormais ces mêmes plateformes devront « obtenir une autorisation, notamment par le biais d’un accord de licence, de la part des titulaires de droits concernés » (Considérant 64).

De tels accords de licence sont ainsi prévus par l’article 17 de la nouvelle Directive, précisant que « si aucune autorisation n’est accordée, les fournisseurs... sont responsables des actes non autorisés de communication au public » ; une telle responsabilité peut toutefois être écartée si le fournisseur concerné :
- déploie « les meilleurs efforts » (notion à préciser…) pour obtenir une telle autorisation, et à défaut garantit « l’indisponibilité des œuvres spécifiques »,
- agit « promptement, dès réception d’une notification suffisamment motivée de la part des titulaires de droit, pour bloquer l’accès aux œuvres et autres objets protégés ».

En outre, seront exemptés de ces contraintes :
- les fournisseurs de contenus « émergents », à savoir exerçant depuis moins de trois ans et ayant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10 millions d’euros,
- plus classiquement les diffusions de critiques, citations, caricatures et parodies.

Enfin le mécanisme est parachevé par des obligations, pour les diffuseurs, de transparence et de traitement « rapide et efficace » des plaintes des titulaires de droits le cas échéant.

2. Création d’un nouveau droit à l’égard des agrégateurs d’informations

La nouvelle Directive rappelle « qu’une presse libre et pluraliste est indispensable pour garantir un journalisme de qualité et l’accès des citoyens à l’information », et que les éditeurs de presse doivent être reconnus et davantage encouragés pour « promouvoir la disponibilité d’informations fiables » (Considérant 55).

Nous voyons donc éclore à l’article 15 de la nouvelle Directive un droit voisin inédit bénéficiant « aux éditeurs de publications de presse établis dans un Etat membre », opposable aux agrégateurs d’informations.

Sont toutefois notamment exemptés les « mots isolés ou très courts extraits d’une publication ».

Notons également la relative brièveté de ce nouveau droit, qui « expire deux ans après que la publication de presse a été publiée ».

***

L’on peut aisément comprendre, à la lecture de tels enjeux, que de nombreux lobbies, défendant notamment la « diffusion libre » sur Internet, se soient opposés à l’adoption d’un tel projet.

Les eurodéputés français ont toutefois pour leur part majoritairement voté pour la nouvelle Directive, de sorte que les discussions au niveau désormais national aux fins de transposition dans le délai biennal devraient demeurer équilibrées... pour un rendez-vous législatif en principe d’ici 2021.

***

Julie GRINGORE
mai 2019