HOMOLOGATION DES CONTRATS DES JOUEURS ET ENTRAINEURS PROFESSIONNELS : REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES ET ADMINISTRATIVES
En matière de sport professionnel, l’entrée en vigueur des contrats de travail est susceptible d’être impactée par les procédures dites d’homologation.
Ces procédures permettent aux instances sportives (en général les commissions juridiques des ligues sportives professionnelles), de vérifier si les contrats de travail qui sont signés entre les clubs et les sportifs et entraîneurs professionnels respectent la réglementation sportive, mais également n’enfreignent pas les mesures ayant pu être prises par les organes de contrôle de gestion mis en place au sein des fédérations sportives (encadrement de la masse salariale des clubs par exemple).
L’article L.222-2-6 du Code du Sport dispose que :
« Le règlement de la Fédération sportive ou le cas échéant de la Ligue Professionnelle peut prévoir une procédure d’homologation du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l’entraîneur professionnel, et déterminer les modalités de l’homologation, ainsi que les conséquences sportives en cas d’absence d’homologation du contrat.
Les conditions dans lesquelles l’absence d’homologation du contrat peut faire obstacle à son entrée en vigueur, sont déterminées par une convention ou un accord collectif national ».
La jurisprudence s’est prononcée à plusieurs reprises sur les conséquences d’une absence d’homologation qui pouvait être causée par la carence d’un club dans le cadre de la transmission des contrats (Soc. 13 mai 2003), ou au contraire du joueur (CA PARIS 5 octobre 2006).
Plus récemment, un contentieux s’est développé touchant aux conséquences qui devaient être tirées, non plus d’une absence d’homologation liée par exemple à une non transmission des contrats, mais d’un refus d’homologation découlant d’une décision de l’organe interne des fédérations sportive chargé de cette homologation.
En effet plusieurs dispositions issues des conventions collectives ou accords sectoriels conclus dans le sport professionnel disposent que le contrat non soumis à l’homologation ou ayant fait l’objet d’un refus d’homologation par une commission interne est nul et de nul effet (pour exemple, article 256 de la Charte du football professionnel).
Statuant à l’occasion d’un contentieux opposant un club et un joueur de football professionnel au sujet d’un avenant à son contrat de travail qui avait fait l’objet d’un refus d’homologation par la Ligue de Football Professionnel, la Cour de cassation a jugé (Soc. 14 septembre 2016 n° 15-21794) que ce refus d’homologation constituait un acte administratif qui s’imposait au juge judiciaire.
Dès lors faute d’avoir fait l’objet d’un recours devant les juridictions administratives la décision qui refusait de procéder à cette homologation s’imposait aux parties, de sorte que les juges du fond (prud’homaux en l’espèce) avaient à bon droit considéré que l’avenant non homologué était nul, et ne pouvait produire effet.
La question nouvelle qui se posait suite à cette décision inédite était de savoir si une décision, non plus de refus d’homologation, mais d’accord sur l’homologation du contrat de travail de l’entraîneur ou du joueur professionnel, devrait désormais être contestée devant les seules juridictions administratives; s’il s’avérait par exemple que le contrat homologué comportait des dispositions non conformes au Code du Travail justifiant une demande de requalification du CDD en CDI.
Une telle analyse extensive aurait pour effet de faire peser sur les commissions juridiques internes des Fédérations sportives un pouvoir de contrôle des contrats de travail, non seulement pour ce qui touche au respect des règlements internes des Fédérations et des décisions éventuelles des organismes de contrôle de gestion propres à celles-ci, mais également, de manière plus large, aux stipulations du Code du Travail, voire de la législation européenne applicable en la matière.
En outre cette conception extensive de l’homologation et de ses effets sur la validité des contrats homologués, ne serait également pas neutre en termes de parcours procédural, puisqu’elle obligerait les salariés voulant plaider la requalification des contrats homologués, à aller d’abord devant le juge administratif pour contester la décision d’homologation, avant de pouvoir poursuivre leur contentieux indemnitaire devant le juge prud’homal.
Dans une décision récente, la Cour d’appel de Besançon (CA Besançon 28 avril 2017 n° 16-00195), prend position sur cette question dans le sens du maintien, au profit du juge judiciaire, de l’appréciation de la conformité au droit du travail des contrats de travail des joueurs et entraîneurs professionnels, nonobstant le fait qu’ils aient été homologués au préalable par une Ligue sportive professionnelle :
« Aux termes de l’article 256 alinéa 1er de la Charte du Football Professionnel qui a valeur de convention collective sectorielle, tout contrat ou avenant de contrat non soumis à l’homologation ou ayant fait l’objet d’un refus d’homologation par la commission juridique est nul et de nul effet.
En effet la Ligue de Football Professionnel participe à l’exécution d’une mission de service public administratif en organisant, conformément à l’article R.132-12 du Code du Sport la réglementation et la gestion de compétitions sportives, la décision de refus d’homologation constitue un acte administratif qui s’impose au juge judiciaire.
Il en résulte que les entraîneurs ne peuvent contester une décision de refus d’homologation que devant les juridictions administratives.
Or en l’espèce il est constant que la Ligue de Football Professionnelle a homologué l’ensemble des contrats de Monsieur X.
Si cette décision constituait également un acte administratif s’imposant au juge judiciaire, ce dernier reste néanmoins seul compétent pour examiner la conformité au droit du travail des contrats de salariés de droit privé homologués par la Ligue de Football Professionnel. Il convient donc pour la Cour d’examiner si les dispositions légales relatives au recours au contrat de travail à durée indéterminé ont été respectées ».
Ainsi dans la présente espèce les magistrats après avoir retenu leur compétence, ont considéré que les dispositions du Code du Travail afférentes au recours au contrat à durée déterminée n’avaient pas été respectées, et prononcé la requalification.
Il s’en induit qu’un contrat, même homologué par une commission juridique d’une Fédération sportive ou Ligue sportive professionnelle, peut être conforme aux règlements fédéraux, mais pas nécessairement conforme au Code du Travail.
La mission des organes fédéraux en termes de contrôle de conformité des contrats soumis à homologation ne retire pas au juge judiciaire son pouvoir final de contrôle et d’appréciation.
Et ce, même si les partenaires sociaux peuvent parfois prévoir un large contrôle sur les contrats qui sont soumis aux commissions juridiques (pour exemple la convention collective du rugby professionnel prévoit en son article 2-3-4 que lors de la procédure d’homologation le refus d’homologation peut être motivé par : « la présence dans le contrat de clauses manifestement contraires au droit applicable, notamment aux articles L.1242-1 du Code du Travail ou de clauses imprécises ou ambiguës »).
Pour autant aux termes de l’arrêt commenté, le juge judiciaire n’entend pas abandonner les pouvoirs qu’il tient des dispositions d’ordre public du Code du Travail aux fins d’apprécier in fine la conformité des contrats de travail des sportifs et entraîneurs professionnels au droit qui leur est applicable.
Il le faisait d’ailleurs avant l’arrêt du 14 septembre 2016, et depuis de nombreuses années, en prononçant la requalification de contrats à durée déterminée homologués par les instances sportives, lorsque ceux-ci ne respectaient pas les dispositions du Code du Travail ou celles des directives européennes applicables en la matière.
Il s’agit à notre connaissance de la première décision des juges du fond sur cette question, postérieurement à l’arrêt de la Cour de cassation du 14 septembre 2016.
La rédaction claire et sans ambiguïté des motifs de l’arrêt d’appel sur ce point permettra, en cas de pourvoi, à la Cour Suprême de fixer définitivement sa position.
L'Equipe Droit du Sport
Derby Avocats
Forfait jours : il ne suffit pas que l’accord collectif prévoit des clauses destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés, encore faut-il que l’employeur les respecte !
Dans un arrêt du 25 janvier 2017 (n°15-21-950), la chambre sociale de la cour de cassation rappelle, s’il en était besoin, qu’une salariée est bien fondée à réclamer le paiement d’heures supplémentaires lorsque les dispositions de l’accord collectif relatif au forfait jours, sensées assurer la protection de sa santé et de sa sécurité, ne sont pas appliquées ni respectées par son employeur.
En l’espèce, la chambre sociale prive d’effet la convention de forfait en jours conclu, la rendant inopposable à la salariée tant que le respect des exigences conventionnelles fait défaut.
La sanction était encourue pour les trois griefs suivants :
- les règles relatives au repos dont doivent bénéficier les salariés n'avaient pas été respectées pendant l'exécution de la convention de forfait en jours ;
- l'employeur n'avait pas organisé en 2009 d'entretien portant sur la charge de travail de la salariée, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre la vie professionnelle et personnelle ;
- l'employeur n'établissait pas avoir pris en 2011 de mesures effectives pour remédier à la surcharge de travail évoquée par la salariée au cours de l'entretien annuel.
Cette jurisprudence aura encore vocation à s’appliquer au regard des dispositions de la loi Travail du 8 août 2016 relatives au forfait jours sur l’année et notamment à l’article L.3121-60 du Code du travail qui vient légalement contraindre l’employeur à assurer un suivi de la charge de travail du salarié sous forfait.
De manière générale, le contentieux lié aux forfait jours a encore de beaux jours devant lui dès lors que la loi Travail ne traite ni de la durée maximale hebdomadaire de travail des salariés soumis au forfait jours, ni de la majoration de leur rémunération.
A toutes fins, les autres principaux apports de la loi Travail sur les forfaits jours sur l’année sont les suivants :
- le droit à la déconnexion (obligation de négocier un accord sur ce point dans les entreprises d’au moins 50 salariés, fortement conseillé de le prévoir par voie de charte notamment dans les entreprises d’un effectif inférieur) ;
- la possibilité pour le salarié soumis au forfait jours de renoncer à une partie de ses jours de repos sous certaines conditions au nombre desquelles sont la conclusion d’un avenant prévoyant cette renonciation (ledit avenant ne pouvant être reconduit annuellement de manière tacite), et le versement d’une contrepartie financière ;
- de nouvelles obligations en matière de négociation et notamment l’obligation de prévoir dans l’accord encadrant la conclusion de conventions de forfait en jours la période de référence du forfait (qui peut être l’année civile ou toute autre période de l’année), les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période, ainsi que les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion (article L.3121-64 I et II du Code du travail) ;
- un mécanisme supplétif de décompte des heures de délégation pour les salariés protégés en forfait jours, à défaut de disposition conventionnelles.
L'Equipe Droit Social
Derby Avocats
Maître Romuald PALAO s'exprime sur la fusion Stade Français Paris / Racing Métro 92
Interrogé par L'Equipe, Maître Romuald PALAO rappelle les règles en matière de transfert de contrat de travail (L 1224-1 Code du Travail) applicables dans le cadre de la fusion entre le Stade Français Paris et le Racing Métro 92.
L'Equipe Droit du Sport
Derby Avocats
Le refus par un salarié déclaré inapte d’un poste de reclassement en raison de la situation géographique peut permettre à l’employeur de limiter le périmètre de ses recherches
Confirmant son revirement de jurisprudence du 23 novembre 2016 (Soc. 14-26-398), la Cour de cassation a récemment jugé par un arrêt du 8 février 2017 (n°15-22964) que l’employeur pouvait prendre en considération les restrictions géographiques posées par le salarié déclaré inapte à l’occasion du refus d’un poste de reclassement proposé
En l’espèce, une salariée caissière d’un supermarché, déclarée inapte, avait refusé les sept propositions de poste correspondant aux préconisations du médecin du travail en raison notamment de leur éloignement par rapport à son domicile.
Une fois le licenciement pour inaptitude notifiée, elle avait saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir requalifié son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que l’employeur aurait dû étendre ses recherches de reclassement au niveau du groupe et ainsi lui proposer le cas échéant un poste à l’étranger.
Devant la Cour d’Appel de Pau, la salariée a obtenu gain de cause sur le fondement de la jurisprudence antérieure qui contraignait l’employeur à poursuivre ses investigations quelle qu’ait été la position prise par le salarié (ex : Soc. 6 mai 2015 n°13-27349).
Depuis l’arrêt du 23 novembre 2016 susvisé et celui commenté du 8 février 2017, la position de la Cour de cassation est désormais tout autre : « Attendu, cependant, que l'employeur, auquel il appartient de justifier qu'il n'a pu reclasser le salarié déclaré inapte dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peut tenir compte de la position prise par ce salarié ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée, qui avait refusé des propositions de reclassement au regard de sa situation familiale et de l'éloignement géographique des postes proposés par rapport à son domicile, n'avait pas eu la volonté d'être reclassée à l'étranger, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
L’Equipe Droit Social
Derby Avocats
WIMBLEDON Des Avocats
Le 30 juin 2017, à Deauville, sur le complexe du Lawn Tennis Club Deauville Normandie se déroulera la première édition du "Wimbledon des avocats".
Ce tournoi de Tennis réservé aux avocats sera précédé d'une formation en Droit du Sport, le 29 juin 2017, dispensée par Me Samuel CHEVRET du cabinet DERBY AVOCATS.
Cette formation s'inscrit dans le cadre de la formation continue des avocats.
Venez nombreux !
Les troubles du voisinage
Les nuisances ou bruits, qu’ils se produisent de nuit comme de jour, peuvent être sanctionnés dès lors qu’ils troublent leur voisinage.
Si les tribunaux ont dans un premier temps cherché à « quantifier » les niveaux sonores admissibles (40 décibels ayant par exemple été considérés comme un « seuil de confort » par la Cour d’Appel de Paris dans une décision du 23 novembre 1993), c’est surtout, au-delà du « niveau sonore » mesuré, la notion d’ « anormalité » du trouble qui permet aux tribunaux de caractériser ou non l’existence d’un trouble anormal de voisinage.
Ainsi, « il ne suffit pas qu'un embarras existe, encore faut-il qu'il soit dommageable ».
Cette caractérisation est soumise à l’appréciation des tribunaux, auxquels il appartient de déterminer si, de fait, le trouble est ou non caractérisé selon le cas précis qui leur est soumis.
Ce qui est ainsi admis dans certains lieux, ou à certaines occasions (Nouvel An, fête du 14 juillet), ne sera pas admis dans d’autres circonstances ou autre lieu. Un auteur considérait ainsi que “Le caractère excessif du préjudice doit s'apprécier compte tenu de toutes les circonstances du cas (…). Il est naturel que les voisins supportent mutuellement certains inconvénients inhérents à cette situation. Le tout est de trouver la norme de tolérance et, au-delà, le seuil de nuisance à partir duquel apparaît l'obligation de réparer”(G. Cornu, op. cit., n° 1104). (…) »
Doit donc être considéré comme un dommage « anormal : celui que les voisins n'ont pas l'habitude de subir dans telle région et à telle époque » (H. et L. Mazeaud et A. Tunc, Traité théorique et pratique de la responsabilité délictuelle et contractuelle, t. 1 : 1965, n° 600).
Ainsi et à titre d’exemple : la diffusion de musique par une clinique pour ses malades, au moyen de haut-parleurs dans le parc de dix heures à dix-huit heures trente les jours de beau temps, constitue un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage dans la mesure où cette musique est très perceptible par les voisins (CA Pau, 14 mai 1992). En revanche, la musique émise par un transistor placé par le propriétaire absent pendant cinq jours pour décourager les voleurs et fonctionnant entre huit heures et vingt-et-une heures trente n’a pas été considéré comme une nuisance de nature à troubler la tranquillité du voisinage, le niveau sonore étant très raisonnable aux dires des voisins (CA Paris, 13e ch. B, 18 mai 1984).
Peut également traduire un trouble indemnisable la modification d’une situation pré-existante, et dès lors considérée comme « admise » par le voisinage. Ainsi a été considéré comme un trouble indemnisable le remplacement par des voisins situés à l'étage au-dessus d'une moquette et de matériaux insonorisés par un carrelage entraînant la perception de bruits de pas et chocs divers (CA Paris, 7e ch., 11 juill. 1986) ; alors que la perception de pas ou de voix ne caractérise aucune anormalité dans un immeuble d’habitation collectif à l’insonorisation imparfaite dès lors qu’il n’est pas démontré que le responsable allégué de ces troubles se livrerait à des activités bruyantes ou des nuisances spécifiques (CA Paris 20 Janvier 2016).
Enfin, les tribunaux tiennent également compte de la durée pendant laquelle sont subies les nuisances évoquées : ainsi, l’indemnisation des nuisances sonores provenant d’un télésiège situé à 30 mètres de l’immeuble du « plaignant » seront calculées en tenant compte du caractère saisonnier du trouble et seront sans commune mesure avec la réparation des troubles subis pendant 6 années du fait d’une installation de broyage-concassage. De la même manière, les bruits provoqués par une piscine depuis sa mise en service en 1998 jusqu’en 2004 (date de mise en place d’un dispositif d’atténuation) seront évalués « eu égard à la longueur de la période pendant laquelle les troubles anormaux du voisinage ont été constatés ». Des plantations de bambous peuvent également caractériser un tel trouble dès lors que, compte tenu de leur envahissement, elles obstruent la luminosité et risquent de provoquer des dégâts aux canalisations et fondations se trouvant à proximité (CA COLMAR 18 janvier 2016).
En résumé, les tribunaux prennent en compte les situations qui leur sont soumises de manière concrète et au vu de ce qui est « admissible ». En revanche, ils ne tiennent généralement pas compte de conditions liées à la situation personnelle de la « victime » des nuisances, estimant notamment qu'une hypersensibilité au bruit, ou des troubles psychosomatiques que les victimes estimaient liées au bruit ne caractérisaient pas un trouble du voisinage. Toutefois et dans ces hypothèses, c’est surtout la question du lien entre le bruit et la conséquence alléguée qui était mis en question.
Il est essentiel en toute hypothèse que la demande présentée soit justifiée au vu des exigences des tribunaux et des circonstances précises de chaque situation.
L'Equipe Droit Civil
Derby Avocats
Homologation des contrats de travail par les fédérations sportives : quelle influence sur la validité des contrats ?
Un arrêt récent de la chambre sociale de la Cour de Cassation (Soc. 14 septembre 2016 n 15-21794) interroge sur l'influence de l'homologation ou du refus d'homologation des contrats de travail des sportifs et entraîneurs professionnels par les Fédérations et Ligues professionnelles.
La Cour de cassation a ainsi statué :
"Mais attendu qu'aux termes de l'article 256, alinéa 1er, de la charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, tout contrat, ou avenant de contrat, non soumis à l'homologation ou ayant fait l'objet d'un refus d'homologation par la commission juridique est nul et de nul effet ; que la Ligue du football professionnel participant à l'exécution d'une mission de service public administratif en organisant, conformément à l'article R. 132-12 du code du sport, la réglementation et la gestion de compétitions sportives, la décision de refus d'homologation constitue un acte administratif qui s'impose au juge judiciaire ;
Et attendu qu'ayant constaté que l'avenant du 30 juillet 2009 avait été transmis le 11 juillet 2011 aux fins d'homologation par le club à la commission juridique de la Ligue du football professionnel, et que cette dernière avait refusé de procéder à cette homologation par une décision du 3 août 2011 qui n'a fait l'objet d'aucun recours, la cour d'appel a exactement décidé que l'avenant était nul ; "
Il ressort de cette décision ayant vocation à être publiée au Bulletin que, pour ce qui concerne les décisions consistant en un refus d'homologuer un contrat de travail, les sportifs ou les entraîneurs devront désormais se tourner vers les juridictions administratives pour contester cette décision de refus d'homologation et espérer, ensuite, pouvoir donner effet devant un conseil de prud'hommes à un contrat ou avenant au contrat qui n'aurait pas été exécuté par leur employeur.
La cour de cassation n'entend pas rentrer dans l'analyse de l'application par les Fédérations sportives de leurs propres règlements internes et estime qu'il n'appartient pas aux juridictions judiciaires de contrôler la décision de refus d'homologation découlant de l'application des règlements fédéraux par une commission fédérale.
A priori cette décision ne remet pas en cause la jurisprudence qui voulait que l'absence d'homologation d'un contrat (suite à une non transmission par le club à la Fédération par exemple) n'emportait pas la nullité de celui-ci et n'empêchait pas le sportif ou l'entraîneur de s'en prévaloir pour faire valoir ses droits devant les juridictions prud'homales.
Pour autant peut-on considérer que dès lors que des contrats ou avenants ont fait l'objet d'une homologation ils sont présumés valides et ne sauraient se voir contestés devant la juridiction prud’homale?
Ainsi au même titre que le refus d'homologation la décision d'homologation s'imposerait au juge judiciaire.
Admettre une telle interprétation de l'arrêt susvisé ne serait pas sans conséquences.
Ainsi les contrats homologués par les instances sportives ne pourraient plus être attaqués devant le juge judiciaire tant sur la forme (défaut de motifs, défaut de transmission dans les 48 heures ...) que sur le fonds (recours abusif aux CDD, renouvellement hors des cas et conditions légalement prévues ...).
Ces contrats ou renouvellement de contrat seraient en quelque sorte, du seul fait de l'homologation fédérale, considérés sans examen par le juge judiciaire comme nécessairement conformes au code du travail, sauf décision du juge administratif annulant la décision d'homologation.
Si tel était le cas cela reviendrait :
- à faire échapper à la compétence du juge judiciaire l'examen et le contrôle des dispositions d'ordre public prises par le législateur au profit de salariés de droit privé alors qu'en principe le conseil de prud'hommes à une compétence exclusive de ce chef.
- à faire basculer devant le juge administratif et au préalable devant les conciliateurs du CNOSF, l'ensemble de ce même contentieux ce qui amènerait les juridictions administratives à devoir examiner la conformité au droit du travail de tous contrats de salariés de droit privé homologués par les fédérations sportives
- à ouvrir la porte à des contentieux indemnitaires à l'encontre les fédérations et ligues professionnelles dont les commissions auraient homologué des contrats qui finalement ne s’avéreraient pas conformes au code du travail et à la jurisprudence. Ces recours indemnitaires pourraient d'ailleurs émaner tant des sportifs ou entraîneurs qui soutiendraient que l'homologation leur à fait croire, à tort, à la conformité des contrats aux dispositions légales applicables, que de la part des clubs qui soutiendraient avoir pu penser qu'ils étaient sécurisés grâce à l'homologation fédérale, ce qui finalement n'était pas le cas.
Les procédures seraient complexifiées à outrance encore puisque le salarié contestant la validité de son ou de ses contrats de travail homologués devraient d abord saisir le conseil de prud'hommes pour stopper la prescription et fixer les demandes indemnitaires, puis demander un sursis à statuer dans l'attente de ce que la juridiction administrative statue sur la décision d'homologation ( après conciliation préalable du CNOSF), puis revienne enfin devant le juge prud’homal une fois la décision d'homologation annulée pour liquider son préjudice .
Il en serait de même pour les AGS ou liquidateur judiciaire qui parfois soutiennent la fictivité ou la conclusion en période suspecte de certains contrats de travail conclus par les clubs à une date proche d'une décision de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
Nous ne pensons pas qu'il soit souhaitable d'aller dans le sens d'une telle interprétation, tant en terme de responsabilité potentielle pour les fédérations sportives, que pour ce qui touche à la multiplication des procédures qu'entraînerait cette conception extensive des effets de l'homologation fédérale.
La prochaine décision de la cour de cassation statuant sur un moyen visant à soutenir que le contrat de travail ayant été homologué par les instances fédérales le salarié ne pouvait en critiquer les dispositions tant que le juge administratif n'avait pas remis en cause la décision d'homologation, est attendue avec impatience.
L'équipe Droit du Sport
Derby Avocats
La responsabilité du médecin en cas de dopage
Le droit du sport, c'est aussi le dopage.
Sur le sujet, les avocats du cabinet interviennent régulièrement au soutien des sportifs devant les fédérations ou les juridictions étatiques.
Pour défendre les intérêts d'un cycliste, Maître Samuel CHEVRET s'est notamment penché sur la responsabilité du médecin ayant prescrit un traitement en cas de dopage.
Vous retrouverez ci-dessous son article, publié dans l'ouvrage: "Vélo et Droit: Transport et Sport".




La Cour de Cassation s'est ainsi prononcé en faveur de l'indemnisation d'un cycliste sur le fondement du devoir d'information de son médecin, après la prescription d'un traitement contenant des molécules interdites (Cass. Soc. 28 novembre 2012 n°11-26516).
Le médecin, dès lors qu'il est informé sur le statut de sportif de son patient, doit s'enquérir du niveau de celui-ci pour adapter le traitement, et l'alerter sur les risques de dopage. Sans ça, il engage sa responsabilité (CA Limoges 18 juin 2014 n°13/00806).
L'équipe Droit du Sport
Derby Avocats
La baisse des salaires en cas de relégation - Article Ouest France
Ouest France interviewe Maître Samuel CHEVRET sur l'arrêt de la Cour de Cassation sanctionnant la baisse automatique des salaires des joueurs en cas de relégation.
Retrouvez le commentaire de cette jurisprudence par DERBY AVOCATS ici.


